Économie collaborative

Pour ces Rencontres AÉSIO, l’ambition était d’interroger la notion d’économie collaborative et son impact sur l’évolution de la protection sociale en général, du mutualisme en particulier.

Qu'est ce que l'économie collaborative dans le cadre du mutualisme ?

Le système de l’économie collaborative, comme modèle de production de services et de biens, trouve mille définitions et est au cœur des débats, entre louanges et controverses.

On donne les appellations "sharing economy",  "peer to peer", "collaboratif" à de multiples activités très diverses et ce, parce qu’elles mettent directement en relation le consommateur et le producteur, ou qu’elles déclinent des projets via des plateformes de partage plus ou moins petites ou abouties…

Alors comment définir cette économie collaborative fréquemment présentée comme un modèle économique et sociétal révolutionnaire ? Certains, l’assimilent à une économie du partage, dite du "pair à pair" où les individus s’auto-organisent et se donnent les moyens pour créer du bien commun, une économie post-capitalistique, investie d’un potentiel émancipateur. Dès lors, des entreprises telles qu’Uber et Air BnB, souvent critiquées pour leur tendance à ne profiter qu’à certains maillons de la chaîne, ne relèveraient absolument pas de l’économie collaborative. D’autres, préfèrent lui donner une définition pragmatique du mouvement.

Derrière la bannière de l’économie collaborative, on peut mettre pleins de choses qui ont pour objectif de faire bouger la société. La plupart de ces expériences ne sont pas rentables, on ignore où va réellement la valeur économique ou sociale que l’on crée, mais on essaie de voir dans quelle direction ça va partir.

Certains définissent l’économie collaborative comme « basée sur la mutualisation en réseaux des ressources possédées par chacun ».

L'économie collaborative : des valeurs mutualistes ?

En effet, en y regardant de plus près, l’économie collaborative promeut des valeurs telles que le partage, la participation à la vie de la communauté, pratiques inhérentes à l’un des acteurs majeurs de la protection sociale en France qu’est le mutualisme.

Si le partage est la clef d’une société innovante, juste et d’avenir, alors le mutualisme en est la figure de proue. Et en effet, selon plusieurs penseurs, nous assistons actuellement, avec l’épanouissement de l’économie collaborative, à une résurgence du mutualisme.

Selon Le Larousse, le « mutualisme » est un système de solidarité entre les membres d’un groupe, à base d’entraide mutuelle. D’ailleurs, à l’origine, le mutualisme a été créé pour protéger les individus contre les risques les plus graves qu’ils pouvaient rencontrer : les maladies, les accidents du travail, la perte des récoltes… 

L’économie collaborative offrirait ainsi une protection contre le fait de ne pas avoir de logement pour partir en vacances, de ne pas savoir conduire et bien encore de ne pas avoir de voiture – que ce soit pour des questions économiques ou environnementales – …

L’économie collaborative recouvre, à la fois, des plateformes d’échanges de biens et de services entre particuliers sans recherche de profit et des plateformes d’offres commerciales.

Le mutualisme et l’économie collaborative partagent plusieurs aspects

Tels que leur fonctionnement, principalement basé sur l’interaction P2P (peer to peer). Si l’économie est animée par des « réseaux et des business models basés sur des réseaux horizontaux » où la construction est collective pour produire ou échanger entre parties égales, le mutualisme est également une activité où différentes personnes s’organisent de manière autonome – autour d’une activité mutuelle où elles ont un rôle égal – à laquelle elles choisissent de participer pour se couvrir d’un risque.

Comme le mutualisme, où les membres de la communauté doivent participer à la gouvernance de la mutuelle, les contributeurs de l’économie collaborative interagissent au sein du groupe. Cependant, il est intéressant de noter que si la participation est obligatoire au niveau de la gouvernance pour le mutualisme, dans l’économie collaborative cela pourrait ne pas être le cas. En effet, la participation peut se limiter à des interactions de pair-à-pair entre les différents membres, sans que cela n’implique une prise de décision stratégique relative à la gouvernance.

De plus, dans les deux cas que sont le mutualisme et l’économie collaborative, on retrouve une alternative à la propriété privée classique et exclusive, car les membres de la communauté mettent en commun une ressource à laquelle ils accèdent et contribuent selon différents droits distribués entre eux. On est donc loin d’une logique de marché traditionnelle.

Entreprises sociales : qu'est-ce que c'est ?

Toutes les valeurs partagées par ces deux mouvements, telles que l’humain, l’engagement, la solidarité et l’égalité, illustrent à quel point l’économie collaborative et le mutualisme partagent les mêmes gènes.
L’ère d'internet et du numérique dans laquelle nous sommes plongés, rend possible ce phénomène de développement du mutualisme dans chaque filière de notre économie.
Nous avions commencé le mutualisme traditionnel qui permet de couvrir des risques "primaires" tels que la maladie, or désormais il est très facile de couvrir tous les risques, même les plus minimes.

Ce développement à grande échelle, dans tous les champs de produits et services (sur les plateformes Uber, BlaBlaCar, Air BnB, Lending Club) donne lieu à des enjeux assurantiels sans précèdent qui doivent interpeller le mutualisme en tant qu’acteur majeur du marché de l’assurance, partageant les mêmes valeurs que l’économie collaborative.

Les limites de l'économie collaborative

Attention toutefois aux limites de l'économie collaborative, qui se cantonne parfois à la consommation collaborative (achat, troc, location) sans favoriser de la part de ses utilisateurs un engagement citoyen : par exemple la volonté de réduire son empreinte environnementale avec les logiques d'économie circulaire.

Le mutualisme, et plus largement l'ESS, doivent se saisir davantage du digital et des opportunités du collaboratif pour en faire un outil d'écocitoyenneté, de guide pour le renforcement du pouvoir d'agir (absence d'intermédiaire) ou encore d'accessibilité élargie aux biens et services essentiels (exemple : mobilité, covoiturage).

Quelle fiscalité pour l’économie collaborative ?

L’économie collaborative, ou économie des plateformes en ligne (...) est une tendance de fond. En Europe, elle a représenté 28 milliards d’euros de transactions en 2016, un montant qui a doublé en un an. En 2025, elle pourrait atteindre 572 milliards d’euros. ”

"La fiscalité de l'économie collaborative" Rapport du Sénat (2017)
LIEN

En principe, tous les revenus réalisés dans les secteurs de l’économie de la consommation collaborative (sauf les ventes d’occasion par un particulier et les revenus issus des plateformes de covoiturage) doivent être déclarés aux Impôts.

La loi du 23 octobre 2018 sur la disposition en matière de fraude a renforcé les obligations fiscales des plateformes d’économies collaboratives pour permettre une meilleure exploitation des données collectées par l’administration et améliorer ses capacités de détection des revenus non déclarés. La Loi de finances 2016, elle, oblige les places collaboratives à envoyer à leurs utilisateurs un relevé annuel des revenus perçus à déclarer à l’administration fiscale.

Dans les faits, les règles du système fiscal* apparaissent inadaptées à l’économie collaborative !

* source https://www.vie-publique.fr

 

Et si, l’économie collaborative, elle-même inspirée du mutualisme, était une voie prometteuse pour que ce dernier innove et puisse faire face aux défis majeurs auxquels il est aujourd’hui confronté ?

L’économie collaborative doit être au cœur du développement du futur du mutualisme !

---------------------

Retour sur les Rencontres Aesio du 6 avril 2017

Retour sur nos 2 table-rondes :

"Economie du partage et mutualisme" (table-ronde 1)

"Parole aux acteurs de l'économie du partage : repenser nos métiers" (table-ronde 2)