Santé au travail

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Aidants salariés : les obligations de l’employeur

En France, le nombre de personnes qui apportent de l’aide à un proche en perte d’autonomie est estimé à environ 11 millions parmi lesquelles plus d’une sur deux est salariée. Pour l’entreprise, il s’agit d’une nouvelle responsabilité. Et en tant que référent prévention, vous avez un rôle à jouer en matière d’accompagnement des salariés aidants.

Salariés aidants : comment les reconnaitre et les aider ?

Les salariés aidants cumulent une activité salariée et l’activité que représente l’aide d’un proche. Si le rôle d’aidant peut les conduire à développer des compétences professionnelles, il est exercé à titre bénévole, bien qu’il soit le plus souvent chronophage.

Si des congés et des prestations sociales sont prévus pour les situations d’aidance, leur utilisation se révèle limitée. Pourquoi ?

  • Les dispositifs sont encore peu connus ;
  • Les démarches apparaissent trop complexes ou trop peu accessibles ;
  • Plus fondamentalement les aidants se reconnaissent peu comme tels.

Concrètement, ce manque de (re)connaissance se traduit une insuffisance des déclarations de situation d’aidance auprès de l’employeur. 

Selon une enquête réalisée par la CARAC en 2017, 3 salariés aidants sur 4 déclarent que leur activité d’aidant a un impact important sur leur vie professionnelle et 75 % déclarent un accroissement de la fatigue et du stress dû à leur rôle d’aidant.

Or, outre une charge mentale qui peut être amplifiée par une difficile conciliation entre leurs temps de vie professionnelle, personnelle et leur rôle d’aidant, les salariés aidants font face à de nombreux défis. Un des défis le plus important est celui qui se porte sur l’aspect financier compte tenu de la perte de revenu que peut entraîner l’aidance, doublée des coûts médicaux du proche aidé. 

Ces enjeux pèsent nécessairement sur la vie professionnelle et la carrière du salarié aidant, lorsque cette situation est mal anticipée au sein d’une équipe de travail en entreprise. Ils peuvent créer des déséquilibres et des problèmes de désorganisation, nuisant à l’image du salarié auprès de ses collègues et managers. 

Vous pouvez mobiliser toutes les parties prenantes de l’entreprise pour offrir aux salariés aidants un accompagnement répondant à leurs besoins. La prise en compte des salariés aidants inclut l’ensemble de ses parties prenantes : dirigeants, médecine du travail, assistance sociale, managers, ressources humaines, collègues, associations, branches professionnelles, mutuelles et groupes de protection sociale.

Ces acteurs interviennent à différents niveaux de l’accompagnement, qui prend différentes formes. Il doit cependant se faire dans le respect de la vie privée du salarié aidant et en préservant son anonymat.

Le cadre réglementaire 

Pour assumer leur responsabilité sociétale, « il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux ». ²
Les principales dispositions prévues par la loi portent sur les congés et sur les prestations financières.

Congés applicables aux salariés aidant

Le congé de proche aidant, de présence parentale ou de solidarité familiale sont pris à l'initiative du salarié. L’employeur ne peut pas le refuser

Les modalités : Le salarié informe son employeur en respectant les conditions et délais déterminés par convention collective ou accord collectif d'entreprise ou accord de branche étendu. En l'absence de dispositions conventionnelles, le salarié adresse sa demande à l'employeur par tout moyen permettant de justifier de la date de la demande (lettre ou courrier électronique recommandé, par exemple). Dès lors que les formalités de demande du congé sont réalisées par le salarié, l'employeur ne peut ni reporter, ni refuser le congé.

Attention ! Pendant le congé, le contrat de travail est suspendu mais le salarié conserve l'ensemble des avantages acquis avant le début du congé. L'absence du salarié est prise en compte en totalité dans le calcul des avantages liés à l'ancienneté. Pour le calcul des heures de formation qui alimentent le compte personnel de formation (CPF), chaque période d'absence du salarié est intégralement prise en compte.

Congé de proche aidant (CPA) 

Le congé de proche aidant permet d’assister un proche en situation de handicap ou dépendant, sans justification d’ancienneté. D’une durée de trois mois, renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière professionnelle, ce congé peut être pris sous forme de temps partiel ou en fractionné si l’employeur y consent. Il peut être indemnisé si le salarié sollicite l’allocation journalière de proche aidant (AJPA), versée par la caisse d’allocations familiales (Caf) et financée par la CNSA au titre de la branche d’autonomie. 

Le congé de proche aidant est accessible sous conditions :

  • Avoir un lien étroit et stable avec la personne aidée (conjoint, concubin, pacsé, ascendant, descendant, personne avec laquelle elle réside ou qu'elle aide régulièrement et fréquemment) ;
  • Le bénéficiaire et la personne aidée doivent résider en France ;
  • Apporter une aide à titre non professionnel pour accomplir tout ou partie des actes de la vie quotidienne ;
  • La personne aidée doit avoir un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % ou bénéficier d'une prestation (APA, majoration pour tierce personne...).


La demande de congé de proche aidant est accompagnée des documents suivants :

  • Déclaration sur l'honneur soit du lien familial du salarié avec la personne aidée, soit de l'aide apportée à une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou entretient des liens étroits et stables
  • Déclaration sur l'honneur précisant soit qu'il n'a pas eu précédemment recours, au long de sa carrière, à un congé de proche aidant, soit, s'il en a déjà bénéficié, de sa durée
  • Copie de la décision justifiant d'un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 % (lorsque la personne aidée est en situation de handicap.
  • Copie de la décision d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) au titre d'un classement dans les groupes I, II, III ou IV de la grille Aggir (lorsque la personne aidée souffre d'une perte d'autonomie)

Le montant de l’AJPA a été revalorisé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour avoisiner le niveau du Smic. 3

Congé de présence parentale (CPP)

Le congé de présence parentale permet d’assister un enfant de moins de 20 ans gravement malade, en situation de handicap ou accidenté rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants.

Il concerne tout salarié, sans condition d’ancienneté, dont l’enfant est à la charge effective et permanente. Il est limité à un maximum de 310 jours sur une période de trois ans pour un même enfant.

Le renouvellement du congé et de l'AJPP peuvent être effectué avant l'expiration de la période des 3 ans lorsque le plafond de 310 jours est atteint, les parents concernés peuvent alors bénéficier d'un nouveau crédit de 310 jours et ce, pour une nouvelle période de 3 ans.

Ce congé peut être indemnisé par l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), versée par la caisse d’allocations familiales et financée par la CNAF au titre de la branche famille, dont le montant a été revalorisé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Congé de solidarité familiale (CSF) 

Le congé de solidarité familiale permet au salarié d'assister un proche en fin de vie.

Le proche doit se trouver en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable (quelle qu'en soit la cause).

Il s’adresse à tout salarié, sans condition d’ancienneté, aidants d’un ascendant, descendant, frère ou sœur, personne partageant le domicile ou d’une personne de confiance.
Il est limité à trois mois renouvelables une fois. 

Si l’employeur y consent, il peut être pris sous forme de temps partiel ou fractionné. 
Le congé de solidarité familiale n'est pas rémunéré. Toutefois, le salarié bénéficiaire du congé perçoit l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie (Ajap).

Le don de jours de repos

La loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, dite loi Mathys, autorise les salariés à faire don d’un jour de congé non pris à un collègue, parent d’un enfant gravement malade.

Le don de congé est aujourd’hui étendu à tous les proches aidants. 4
Le salarié bénéficiaire d'un don de congés ou de RTT conserve sa rémunération, exactement comme s’il utilisait ses propres jours de congés. Les périodes concernées par le don comptent comme du travail effectif, ce qui signifie qu’elles n’ont aucun impact sur les droits à l’ancienneté. Tous les avantages du salarié qui prend les congés sont donc conservés. 

Cette loi repose sur des solidarités individuelles et non sur des solidarités collectives.  

Des droits peu utilisés : des dispositifs méconnus, tant des entreprises que des collaborateurs se trouvant en situation de proche aidance, et pas parfaitement adéquats, compte tenu des limites dans le temps et des niveaux d’indemnisation.

Le manque d’usage de la part des aidants indique qu’il y a un important travail de communication et de sensibilisation à réaliser afin de limiter la méconnaissance des dispositifs.

L’entretien professionnel

L’employeur est tenu d’organiser un entretien professionnel pour les salariés au retour d’un congé de proche aidant. La responsabilité de l’organisation de l’entretien professionnel incombe à l’employeur.

Cette obligation est inscrite dans le Code du travail (article L. 6315-1), elle incombe à l’employeur. 

L’entretien professionnel dans la TPE sera le plus souvent réalisé par l’employeur lui-même. Dans les autres entreprises, moyennes et grandes, son organisation et sa réalisation pourront être confiées, sous sa responsabilité, aux managers de proximité ou au responsable des ressources humaines en lien avec les managers de proximité.

Les points obligatoirement abordés au cours de l’entretien professionnel concernent :

  • L’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualification et d’emploi ;
  • Les questions relatives au suivi des actions de formation, de certification et de progression salariale ou professionnelle du salarié ;
  • L’évaluation de son employabilité ;
  • La réflexion sur l’avenir du salarié, le poste occupé et son projet professionnel.

Depuis le 1er janvier 2019 : cet entretien peut avoir lieu à l’initiative du salarié à une date antérieure à la reprise de poste (cette possibilité n’était auparavant possible qu’avant la fin d’un congé parental d’éducation).

1 De nombreux sondages ou enquêtes en matière d’aidance (Baromètre BVA / Fondation April, étude OCIRP-VIVAVOICE, etc.) existent, qui reposent sur des périmètres et des champs différents. Une vigilance devra donc être accordée lors de l’utilisation et de la comparaison de ces données, issues d’enquêtes de perception.

2 Commission européenne (2011), Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014, COM/2011/0681.

3 Décret n° 2022-1037 du 22 juillet 2022 relatif au congé de proche aidant et à l'allocation journalière du proche aidant  et LOI n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 

4 Extension du don de congé rendu possible suite à l’entrée en vigueur de la loi n°2018-84 du 13 février 2018, créant un dispositif de don de jours de repos non pris, au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap. Il s’agit d’une extension du dispositif de don de jours de congés au profit des seuls parents d’enfants gravement malades, possible depuis 2018.