Endométriose au travail : libérons la parole !
Qu'est-ce que l'endométriose ?
Cette maladie gynécologique se caractérise par la présence, hors de la cavité utérine, de tissu semblable à celui de la muqueuse de l'utérus (appelée endomètre). Elle peut se déclencher dès l’adolescence et commence à régresser à la ménopause.
En France, plus d’1 femme sur 10 est atteinte d’endométriose et pour 70% d’entre elles, cela occasionne des douleurs handicapantes. Pourquoi ? Parce que le tissu endométrial qui se trouve en dehors de l’utérus va se greffer sur les organes génitaux et le péritoine, occasionnant des lésions, des adhérences et des kystes ovariens (endométriomes).
L’endométriose peut également s’étendre, dans des cas plus rares, aux appareils urinaire, digestif, et plus rarement pulmonaire (diaphragme).
L’endométriose en chiffres
10% de femmes affectées en France, soit entre 2 et 2,5 millions de femmes concernées
7 ans en moyenne d’errance thérapeutique avant le diagnostic
70% des femmes concernées par des douleurs handicapantes
0 traitement spécifique pour l’instant à ce jour
Le premier symptôme de l’endométriose est la douleur. Cette douleur qui ne peut être soulagée par la seule prise d’antalgique est regroupée par les professionnels de santé sous l’appellation des « 5 D » :
- Douleur pendant les règles (dysménorrhée) ;
- Douleur pendant les rapports sexuels (dyspareunie) ;
- Douleur pendant la défécation (dyschésie) ;
- Douleurs urinaires (dysurie) ;
- Douleurs pelviennes chroniques.
L’endométriose entraîne également une fatigue chronique importante chez les femmes atteintes.
Selon l’enquête Endovie réalisée en 2020 par Ipsos pour l’association EndoFrance, « 53 % des femmes notent une diminution de leur capacité de travail et 60% voient leur pouvoir de concentration diminuer en raison de la maladie ». D’autres facteurs physiques ou émotionnels interviennent, puisque pour « 62% d’entre elles, se lever le matin est parfois presque impossible » tandis que « 56% des femmes se sentent démotivées » à cause de la maladie.
Que dit la loi aujourd'hui ?
En 2021, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a confié à Chrysoula Zacharopoulou, députée européenne et docteur en gynécologie, l’élaboration d’un rapport de propositions pour « une stratégie nationale contre l’endométriose ».
Le 11 janvier 2022, elle a rendu un rapport comprenant plus de 150 propositions « concrètes et actionnables à courts et moyens termes », qui met l’accent sur « trois actions prioritaires » :
- Développer la recherche pour « mieux comprendre la maladie » ;
- Permettre aux personnes atteintes par l’endométriose « d’accéder rapidement, et sur l’ensemble du territoire, à un diagnostic fiable et rapide suivi d’une prise en charge de qualité » ;
- Faire connaître la maladie « à l’ensemble de la population française » grâce à l’implication « des associations, des expertes et experts de la maladie, des entreprises, des établissements scolaires », soit les lieux « où l’endométriose est particulièrement invalidante et nécessite des adaptations ».
Faire connaître l’endométriose au grand public en s’appuyant sur les relais dans l’entreprise fait partie des 3 actions prioritaires identifiées par le rapport de la députée Zacharopoulou.
Le 13 janvier 2022, l’Assemblée nationale reconnaît l’endométriose comme une affection longue durée (ALD). Mais le plan stratégie annoncé ensuite par le ministre de la Santé Olivier Véran ne classe pas l’endométriose en ALD30 (la liste des affections longue durée prises en charge par l’Assurance maladie), en raison des « différentes formes que revêt la maladie ».
Pour rappel, les patients souffrant d’une ALD n’ont pas à avancer le montant de leurs soins et des consultations et peuvent bénéficier d’un meilleur aménagement de leur temps de travail.
Le ministre de la Santé s’est toutefois engagé à reconsidérer le passage de la maladie en ALD30 « si après dix-huit mois, la prise en charge des patientes ne s’améliore pas ».
C’est pourquoi aujourd’hui, en droit du travail, les absences dues à l’endométriose sont toujours gérées en arrêts maladie.
Toutefois, les femmes souffrant de cette maladie peuvent constituer un « dossier de reconnaissance d’affection longue durée » avec leur médecin traitant, qui transmettra un protocole de soins à l’Assurance maladie. Seulement 7 000 femmes en France bénéficient de cette attribution « au cas par cas ».
Quels sont les impacts sur le monde du travail ?
Au-delà des arrêts maladie liés aux douleurs, l’entreprise doit proposer un accompagnement à plus long terme.
Médecine du travail, ressources humaines, managers, collègues… Tout le monde est concerné. C’est le rôle de la médecine du travail que d’être à l’écoute des besoins de ces femmes et de se montrer force de propositions en matière d’aménagement, adaptation ou transformation de poste (art. L4624-3 du Code du Travail).
Côté employeur, l’obligation de sécurité de résultat fait qu’il doit prendre en compte les recommandations de la médecine du travail et justifier sa décision de les accepter ou de les refuser. Poste de travail ergonomique, horaires flexibles (art. L3121-48 du Code du travail), télétravail (art. L1222-9 du Code du travail)… les solutions existent et sont encadrées par la législation.
Le médecin traitant peut quant à lui prescrire un mi-temps thérapeutique, afin de permettre à la salariée d’être à temps partiel tout en percevant les IJSS (indemnités journalières) pendant un an (art. L323-3 du Code de la Sécurité sociale).
Les ressources humaines et managers doivent également prendre en compte l’impact de la maladie sur la capacité de travail, en particulier suite aux conclusions du rapport de la députée Zacharopoulou.
Concrètement, cela signifie ouvrir un espace de dialogue pour inciter les femmes concernées à en parler, les rassurer sur le soutien de l’entreprise pour qu’elles ne se sentent pas menacées en raison de leurs absences ou difficultés au travail.
Des actions de formation peuvent être mises en place en collaboration avec la médecine du travail, des associations de patientes ou encore des professionnels de santé extérieurs.
L’endométriose est en train de devenir une grande cause nationale et les entreprises doivent s’emparer du sujet au même titre que les professionnels de santé. Pour leurs collaboratrices, pour leur performance collective et pour leur qualité de vie au travail, cet enjeu de santé publique doit être pris en compte.