Santé au travail

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La santé mentale et l’entreprise

S’il semble évident que notre état d’esprit et notre bien-être sont deux puissants moteurs d’engagement, de satisfaction et de productivité professionnelle, la détresse psychique a, elle aussi, des conséquences désastreuses sur notre manière d’appréhender notre activité professionnelle et sur notre capacité à accomplir correctement les missions qui nous sont confiées.

Après le Covid et les confinements, à l’ère du télétravail et de l’éco-anxiété, les problèmes de santé mentale se sont invités à la table de tous les Français, et en particulier des salariés. En 2022, un salarié sur deux se déclarait en détresse psychologique et les arrêts maladie pour cause de troubles psychologiques ou d’épuisement professionnel font nombre. 

L’ensemble des études sur la santé mentale au travail mettent en évidence l’importance croissante du sujet, mais aussi, l’urgence pour les entreprises de s’emparer de la question :

  • La Fondation Pierre Deniker révèle que 22% des actifs français souffrent de détresse liée à des troubles mentaux, touchant davantage les femmes et les métiers "relationnels". Les difficultés entre vie professionnelle et personnelle sont en cause pour 15% des personnes interrogées.
  • L'OCDE souligne une augmentation des problèmes de santé mentale au travail, entraînant une baisse de productivité et des absences plus fréquentes.
  • Une enquête d'Opinionway de mai 2021 révèle que 44% des salariés présentent une détresse psychologique, avec un taux de burn-out de 28% ayant doublé depuis 2020.
  • Le Baromètre T10 d'Empreinte Humaine confirme un taux de détresse psychologique de 41% parmi les salariés.

Que veut dire Santé mentale ?

Selon l’OMS, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».

La première conférence ministérielle européenne de l’OMS sur la santé mentale (Helsinki, janvier 2005) fixe des contours clairs et vient briser quelques clichés encore bien trop souvent présents dans les esprits : 

  • La santé mentale représente bien plus que l’absence de troubles mentaux.
  • La santé mentale fait partie intégrante de la santé : il n’y a pas de santé sans santé mentale.
  • La santé mentale est déterminée par de nombreux facteurs : socio-économiques, biologiques et environnementaux, dont l’environnement de travail. Les conditions de travail sont en effet un déterminant important de la santé mentale.
  • La dépression est l’une des principales causes d’incapacité.
  • Il existe des stratégies et des interventions intersectorielles d’un bon rapport coût/efficacité pour promouvoir, protéger et recouvrer la santé mentale.

La santé mentale comporte 3 dimensions : 

  1. La santé mentale positive englobe le bien-être, l'épanouissement personnel, ainsi que les ressources psychologiques et les capacités d'agir de l'individu dans ses rôles sociaux.
  2. La détresse psychologique réactionnelle est une réaction induite par des situations éprouvantes ou des difficultés existentielles telles que le deuil ou un échec relationnel. Elle ne conduit pas nécessairement à un trouble mental et peut être transitoire. Toutefois, si elle n'est pas correctement identifiée ou accompagnée, elle peut entraîner des difficultés sociales ou évoluer vers un trouble psychique.
  3. Les troubles psychiatriques, de durée variable et plus ou moins sévères, nécessitent une prise en charge médicale. Ils sont définis par des classifications diagnostiques et peuvent avoir des conséquences graves telles que des handicaps, des décès prématurés, ainsi que de la discrimination et de l'exclusion sociale.

La santé mentale est-elle du ressort de l’entreprise ?

Les troubles de la santé mentale ayant un lien avec le milieu professionnel se traduisent de différentes façons : burn out (syndrome d’épuisement professionnel) ; symptomatologie dépressive (diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi, pensées négatives…) ; troubles du sommeil ; syndromes dépressifs et anxiodépressifs, allant parfois jusqu’au suicide ou à sa tentative. 

Le quiet quitting ou « démission silencieuse » s’observe comme une stratégie de régulation. Il consiste à rester en poste tout en faisant le strict minimum, en refusant les heures supplémentaires et toute sollicitation qui ne correspondrait pas à sa fiche de poste. Ce désengagement professionnel est une façon de préserver sa santé mentale au travail. 

L’OCDE appelle à prévenir plutôt que guérir, en garantissant notamment de bonnes conditions de travail et un suivi systématique. Pourtant, entre 50 et 70% des personnes concernées ne reçoivent aucune aide au travail. Anticiper les situations de mal-être professionnel permet d’offrir un environnement de travail sain aux salariés et de pérenniser l’activité.

Les entreprises reconnaissent l'importance de créer un environnement de travail sain, mais s’interrogent légitimement sur leurs rôles à la frontière à ne pas franchir quant à la vie personnelle. Elles reconnaissent toutefois que les causes des problèmes de santé mentale peuvent être multifactorielles et que la responsabilité incombe à la fois à l'entreprise et au salarié.

Comment reconnaître une mauvaise santé mentale ? 

La détection des symptômes est complexe, puisqu’ils dépendent de la personnalité et des stratégies de régulation de chaque personne. Des cycles de 3 phases peuvent tout de même s’identifier : 

  1. L’évitement : réaction face à l’anxiété afin d’éviter d’être confronté à la source de stress et/ou à ce à quoi la personne ne sent pas assez armée pour résoudre la situation avec compétence et sérénité. 
  2. La diminution de l’activité, premiers symptômes dépressifs avec mise en retrait social et retards fréquents, sentiment de dévalorisation et d’exclusion, renforçant les sentiments de léthargie et de décalage social.
  3. Le perfectionnisme : il est associé à la croyance d’atteindre un niveau maximal de performance, générant une anxiété devant la tâche, la rendant impossible à attendre ou générant un blocage dans l’action. Le salarié se retrouve paralysé face à l’activité, ce qui continue d’augmenter son anxiété et d’affecter sa confiance en soi.

Les moyens d’action disponibles en entreprise

Seuls des moyens de prévention collectifs et une approche individuelle créent des conditions protectrices pour les salariés, les mesures doivent être suivis et ne sauraient être automatisées, au risque de perdre en qualité et en impact. Voici quelques mesures possibles : 

  1. Former le personnel sur la santé mentale en entreprise, offrir des ressources sur l'intranet et former des secouristes en santé mentale (Formation PSSM). 
  2. Soutenir les managers dans la détection des troubles et veiller à l’équilibre des managers eux-mêmes.
  3. Utiliser des applications pour le bien-être mental. Elles peuvent être proposées en individuel ou mis en place à la dimension entreprise.
  4. Mettre en place une politique QVCT avec des mesures comme la flexibilité des horaires, le télétravail, la gestion du stress et des activités de relaxation.
  5. Proposer une mutuelle couvrant les dépenses liées à la santé mentale et fournir une liste de professionnels couverts.
  6. Encourager les pauses régulières, sans écrans et avec des interactions sociales et créer des espaces de détente. 
  7. Établir une charte télétravail avec des horaires clairs, des périodes de déconnexion et des plages horaires spécifiques pour les réunions virtuelles. Adopter des méthodes agiles en gestion de projets pour favoriser la collaboration et éviter de sous-estimer les temps à consacrer à chaque phase du projet. 
  8. Valoriser les réussites des collaborateurs, organiser des célébrations d'équipe et donner des retours positifs régulièrement pour renforcer l'estime de soi et créer un climat de travail positif...

Rédigé par : Marie VERZAUX, directrice associée du cabinet SEMAFOR