Santé au travail

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Les risques psycho-sociaux, du concept au concret

Les risques psychosociaux (RPS) représentent désormais un concept connu et de plus en plus considéré comme essentiel dans les démarches de prévention des entreprises. Il existe cependant des disparités fortes dans leur compréhension et dans les mesures de prévention. Un tournant s'est opéré depuis 2 ans. La pandémie a impacté l’organisation des entreprises et la santé des salariés. Nous devons repartir sur des bases nouvelles.

Rappel et cadre

Quand on parle des risques psychosociaux, il est désormais commun de faire un lien direct avec la notion de charge de travail. Si c’est un élément constitutif du stress des risques psychosociaux, il n’en est pourtant qu’un axe.

La charge de travail fait partie des indicateurs suivis et animés par l'entreprise, même si les écarts de perception entre travail prescrit et travail réel, la vision objective et subjective de son activité se confrontent.

La latitude décisionnelle, second facteur du stress, et plus largement des risques psychosociaux, est plus difficile à mesurer et à objectiver. Sur le papier, elle peut être un levier de reconnaissance par l'autonomie, la confiance, mais reste très dépendante des modes de gestion, des pratiques managériales (ou des modes de contrôle de l’activité).

Le soutien social, troisième et facteur fort de protection face aux RPS est un élément essentiel à prendre en compte. La distanciation des relations professionnelles, la dissolution des liens d'équipe, la mise en veille des évènements et célébration sont autant d'éléments qui influencent le soutien social perçu, et qui ont été mis à l’arrêt depuis l’arrivée du COVID 19.

Le stress est donc modulé par l'existence de bonnes ou mauvaises pratiques concernant ces trois points, auxquelles on ajoute la subjectivité de la perception du salarié. Cette dernière est influencée par sa personnalité, ses expériences passées, ses valeurs, sa relation au travail…

Afin de dépasser la notion de stress et avoir une compréhension plus globale des risques psychosociaux, nous devons considérer les violences, internes et externes.
On parle de violences lorsqu'un ou plusieurs salariés sont agressés dans leur activité professionnelle.

  • On nommera violences internes, les comportements menaçants, les menaces formulées, excès verbaux, agressions physiques ou encore faits harcelants produits par des membres de l'organisation (collègues, hiérarchie, autres services…).
  • Les violences externes consistent en ces mêmes faits, produits par des usagers, clients, patients, fournisseurs, prestataires…, externes à la société.

Ces différents faits peuvent donner lieu à des conflits latents ou déclarés, et peuvent parfois conduire à situations dramatiques (agression, suicide).

Les risques psycho-sociaux englobent donc la considération de la santé psychologique du salarié à travers la prise en compte de son état de stress et de son exposition aux violences internes et/ou externes.

Risques psycho-sociaux : quel modèle ?

Plusieurs modèles factoriels ont participé à construire le modèle de référence des risques psychosociaux. Le plus utilisé restant le modèle de l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), reposant sur les recherches de Michel Gollac :

  • Intensité et charge de travail ;
  • Exigences émotionnelles ;
  • Autonomie et marge de manœuvre ;
  • Rapports sociaux et reconnaissance ;
  • Conflits de valeurs ;
  • Insécurité (physique et psychologique).

Ce qui a changé avec la crise sanitaire 

Ces dernières années, de nombreux changements ont impacté nos quotidiens (démocratisation du télétravail, hyperconnexion…). Pour certains collectifs, entreprises agiles, flexibles, tout cela est presque passé inaperçu. Pour d'autres, il a fallu se réinventer, mettre en place des changements pour lesquels les organisations, les hommes et les femmes n'étaient pas prêts.

Les conditions de travail ont créé de nouvelles contraintes.
Ces deux dernières années ont apporté des transformations, protectrices voire épanouissantes pour certains, délétères pour d'autres.

Nous nous concentrons ici sur les problématiques, mais il ne faut pas nier l'atout qu'ont eu ces changements pour bon nombre d'entre-nous.

Nous pouvons voir les impacts sous 3 angles : social, culturel et métier.

D'un point de vue social, le télétravail change les normes bien inscrites du travail, de temps et d'espace. Le travail se réalise à domicile, il n'est plus aussi formellement dissocié de la vie personnelle.

L'impact principal constaté, c'est l'isolement, et notamment des phénomènes de "glissement" de personnes déjà fragilisées professionnellement (peu intégrées, désengagées, avec des problématiques de santé…).

Le télétravail devient alors une solution d'évitement, un confortable inconfortable que l’on pourrait formuler de la manière suivante "Je ne vais plus au travail, ce qui m'évite d'être confronté à une situation complexe, mais moins je m'y confronte, plus elle devient complexe".

Le passeport prévention

Pour aller encore plus loin dans les nouvelles obligations qu’induit la loi santé travail du 2 Août 2021, le législateur rend obligatoire le suivi des formations en matière de prévention et de santé au travail de tous les salariés à travers la formalisation d’un passeport prévention.

Selon l’article L. 4141-5 du Code du travail, l'employeur renseigne dans ce passeport les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative. 

Le travailleur peut également inscrire ces éléments dans ce document lorsqu'ils sont obtenus à l'issue de formations qu'il a suivies de sa propre initiative.

A quoi va-t-il servir ? Qui concerne-t-il ?

L’objectif de ce passeport prévention est de renforcer les actions de formations des salariés pour permettre, à travers les compétences acquises, de maîtriser des risques professionnels, et ainsi contribuer à la diminution du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Toutes les entreprises sont concernées par sa mise en œuvre. Déjà expérimenté dans plusieurs pays, son format peut varier mais l’objectif reste le même : prévenir et protéger la santé des salariés.
Sa mise en place devra avoir lieu au plus tard au 1er octobre 2022.

Qu’est-ce que cela change ?

Il est vrai que l’obligation pour les employeurs de former leurs salariés et de répondre à des obligations de résultats en matière de maitrise des risques est déjà présente depuis plusieurs années, mais cette nouvelle prérogative va plus loin dans la gestion des risques.

En effet, le déploiement du passeport prévention vise à réellement renforcer l’organisation et le suivi des connaissances et des compétences des salariés dans le but d’éviter les accidents, d’améliorer les conditions de travail et de permettre la maitrise en cas de déclaration de sinistre.

Quelle articulation avec le passeport d'orientation, de formation et de compétences ?

A partir du moment où le travailleur dispose déjà d'un passeport d'orientation, de formation et de compétences (article L. 6323-8 du code du travail), son passeport de prévention y sera directement intégré. Il sera mis en œuvre et géré selon les mêmes modalités.

Ces situations ont obligé plusieurs employeurs « à passer la marche arrière » et à inviter fortement certains de leurs salariés en souffrance à revenir sur site "pour leur bien".

Les outils à activer par les décideurs d’entreprise sont :

  • Une sensibilisation des managers à détecter les signaux d'alerte et d'isolement à travers une communication accrue avec les employés à distance, mais aussi des collègues, des représentants et service de santé et le courage d'aborder ce sujet dans une volonté de protection ;
  • Les actions collectives (évènements, sorties) ;
  • La réinstauration de la convivialité dans le quotidien de travail.

La culture, c'est l'identité profonde de l'entreprise. Elle se construit sur ses codes, ses normes implicites et explicites, ses rituels, les comportements valorisés ou non, sa vision.

Lorsque les points précédents sont touchés, ils atteignent des facteurs tels que le sens du travail, le conflit de valeurs, impactant fortement l'engagement, et en conséquence le maintien en poste, la performance des équipes.

Les principaux leviers d'actions possibles face à ces constats appellent à reconstruire la sécurité et la prévisibilité, la communication de la vision pour les acteurs stratégiques. 

Pour les managers de proximité et salariés, c'est :

  • Mettre en place des actions en faveur de la régulation (feedback, 1to1 mensuel) tels que des échanges plus réguliers sur le niveau de motivation, d'engagement et d'intérêt des collaborateurs ;
  • Prendre en compte des vécus des changements et ses impacts sur l'estime de soi ;
  • Appuyer encore et toujours sur la reconnaissance.

Coté métier, ces deux dernières années ont transformé les quotidiens et les vécus : arrivée massive des outils de visioconférences, formations en E-Learning, communication via messagerie instantanée.

Pour les métiers et entreprises déjà initiés au numérique, la transformation s’est faite sans difficulté.

Pour les organisations et les salariés attachés au papier, à l’« activité professionnelle sur site », à la rencontre physique de ses clients, les process ont changé, touchant directement les leviers de satisfaction, l'intérêt, mais aussi le sentiment de compétence des collaborateurs éloignés et peu à l'aise avec les outils numériques.

Pour ces derniers, les leviers peuvent passer par la formation aux outils numériques, à la participation à des groupes de travail sur les process liés à leur utilisation.

On notera quelques bonnes idées d'entreprises de passer par des enquêtes de satisfaction, d'aisance et de compréhension sur les outils, qui peuvent être d'excellents points de départ pour des actions collectives ou des accompagnements individuels.

Ici encore, la manager de proximité est un pivot de choix dans l'accompagnement des équipes, favorisant l'accès à la formation, l'adhésion aux nouvelles méthodes, la motivation au quotidien.  

La stratégie du petit pas

Terminons sur un point essentiel de la réussite de nos démarches de prévention. Actuellement, les démarche de prévention des RPS tendent vers la conduite de projets globaux, espérant toucher la majorité des salariés par des actions fortes, avec des investissements financiers, logistiques et temporels conséquents.

Cependant, n'oublions pas la « stratégie du petit pas ». Que ce soit pour l'amélioration continue de la culture industrielle ou dans le développement personnel, cette stratégie est utile et a fait ses preuves.

Mettre en place dans une équipe un café croissant pour créer de la convivialité le lundi matin sera plus facile à faire, à financer, à ritualiser, et aura un effet bénéfique rapide et entretenu, qui animera une culture de la proximité, des occasions pour apporter de la régulation, du soutien social, des ressentis positifs, qui appuieront les actions plus lourdes de transformation de l'entreprise.
De petits pas pour l'Homme…

En conclusion, la prévention des RPS en entreprise passe par différentes étapes : 

  • La compréhension du concept dans sa globalité ;
  • La formation des équipes encadrantes dans l’identification (la plus précoce possible) des situations à risque et dans les mesures adaptées à mettre en œuvre ;
  • La mise en place d’actions individuelles et collectives comme levier de protection.