Santé au travail

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Changement climatique et santé au travail

Le changement climatique est une réalité bien visible. L’inertie des dérèglements climatiques fait consensus : les modifications vont se poursuivre dans un premier temps, quelle que soit la trajectoire que nous emprunterons. Cela implique notamment de repenser la santé au travail.
Immeuble vitré

Ces dérèglements climatiques ont des impacts sur la santé (avec les canicules, sécheresses, épisodes de pollutions, aléas climatiques…). Il est ainsi essentiel d’une part de lutter contre le changement climatique, pour en atténuer les effets demain, notamment sur notre santé. Il est également nécessaire de s’adapter dès aujourd’hui pour faire face aux changements inhérents. Cela implique notamment de repenser la santé au travail.

Changement climatique et santé (au travail)

Notre état de santé est déterminé par quatre facteurs majeurs dont l’environnement fait partie. C’est même le facteur qui détermine le plus fortement notre santé 1. Or, si l’environnement, au sens physique du terme, est affecté par des pollutions, s’il se détériore à cause des dérèglements climatiques, cela affecte notre santé.

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Comprendre les impacts de l’environnement sur la santé

Notre état de santé est déterminé par quatre facteurs majeurs : la biologie humaine, nos comportements, les services de santé auxquels on a accès et l'environnement qui nous entoure. Dans cet article, nous nous intéresserons aux impacts de l'environnement sur la santé et aux moyens qui permettent de limiter ces risques.

Santé au travail

Si les effets sur la santé publique sont documentés et étudiés par des acteurs comme Santé Publique France, il existe encore trop peu d’études mettant en lumière les impacts de l’environnement sur la santé au travail 2.

Le rapport qui fait référence sur le sujet est celui publié par l’Anses en 2018 : Rapport relatif à l’évaluation des risques induits par le changement climatique sur la santé des travailleurs

Ce rapport met en évidence qu’à l’exception des risques liés au bruit et aux rayonnements artificiels, tous les risques professionnels sont et seront affectés par le changement climatique et les modifications environnementales.

Néanmoins, il est aujourd’hui obligatoire de prendre en compte l’environnement dans l’exercice du dialogue social. Une grande consultation 3 menée par la Commission Travail et Emploi du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) en décembre 2022 a permis de comprendre le niveau de prise en charge de sujets environnementaux dans le dialogue social, en particulier en matière de santé au travail, et d’identifier les freins et les leviers. La consultation a révélé que l’insuffisance de formation ou de sensibilisation au sujet est le premier frein identifié au développement du dialogue social sur les enjeux environnementaux (plus de 55% des répondants). Le deuxième frein est l’absence de volonté de l’employeur (51%), suivi du manque de temps pour s’en occuper (45%).

Effets du changement climatique sur les travailleurs (rapport de l’ANSES)

Des risques professionnels augmentés

L’expertise a permis de constater que la majorité des risques professionnels sont et seront affectés par les dérèglements climatiques mais aussi par d’autres dégradations de l’environnement comme les aléas climatiques, les agents biologiques, la qualité de l’air ou celle des eaux. L’expertise a aussi permis d’identifier des circonstances d’exposition associées.

Les conclusions ont identifié trois principales modifications climatiques et environnementales à l’origine des augmentations de risques professionnels : 

  • La hausse des températures ;
  • L’évolution de l’environnement biologique et chimique ;
  • La modification de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques.

Dans son rapport, l’Anses a répertorié l’ensemble des risques pour la santé au travail de ces principales modifications climatiques et environnementales (synthèse à la fin de cet article).

Une nécessaire approche par circonstances d’exposition

L’identification des risques d’exposition aux effets du changement climatique par secteurs d’activité et/ou métiers s’est révélée peu pertinente, car des travailleurs exerçant un même métier peuvent être confrontés à des expositions très différentes. 

Ainsi, c’est une approche alternative, dite par « circonstances d’exposition », qui permet de regrouper les professionnels en fonction de leurs expositions réelles et non pas en fonction de leur métier qui a été adoptée. Cette approche par circonstances d’exposition présente par ailleurs l’avantage de proposer des conclusions pertinentes pour l’ensemble des travailleurs (salariés du monde agricole, commerçants, travailleurs indépendants, professions libérales, fonctionnaires, etc.) quels que soient leurs domaines d’activités.

Recommandation de l’ANSES

  • Renforcer la mobilisation du monde du travail et sensibiliser aux effets des dérèglements climatiques et des dégradations de l’environnement sur la santé au travail, par le biais de l’information et de la formation ;
  • Inciter l’ensemble des acteurs de la santé au travail à intégrer, dès à présent, les impacts du changement climatique déjà perceptibles ou qui peuvent être anticipés dans leurs travaux d’évaluation des risques et dans les DUERP (recensement des personnes potentiellement impactées, évaluation spécifique de chaque poste de travail et des expositions réelles en fonction de la zone géographique concernée, etc.) ;
  • Intégrer les effets des dérèglements climatiques et des dégradations de l’environnement sur la santé dans les démarches de prévention des risques (par exemple par l’adaptation des environnements et de l’organisation de travail), par le biais d’outils méthodologiques dédiés à développer ;
  • Identifier des indicateurs pertinents liés à ces impacts, permettant de suivre et surveiller les effets des dérèglements climatiques sur les risques professionnels. Le regroupement et la conservation des données, la documentation des situations d’exposition professionnelle et les retours de « terrain » pourraient ainsi permettre d’améliorer la connaissance et la prévention.

Des ressources pour agir 

Mobiliser la législation qui évolue vite en ce sens peut être un bon levier pour encourager la prise en compte de cette thématique dans l’entreprise :

  • La loi du 16 avril 2013, article L. 4133-1 du Code du travail, qui instaure un droit d’alerte en matière sanitaire et environnementale ;
  • La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, le sujet devient un thème obligatoire de négociation pour faciliter les trajets de leurs salariés ;
  • La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, en application au 31 mars 2022 ;
  • La loi Climat et résilience du 22 août 2021, article L. 2312-8, I du Code du travail, confère au CSE une nouvelle attribution : la prise en comptes des conséquences environnementales des activités.

Des sources d’informations sont également disponibles, comme :

Les principales conclusions de la consultation du CESE

Les principaux enseignements de l’enquête « Dérèglements climatiques et santé au travail » 4 du CESE, citée en préambule, sont les suivants :

  1. Un décalage entre le niveau de préoccupation personnelle et l’engagement collectif sur les sujets d’environnement ;
  2. Des préoccupations environnementales observées dans toutes les catégories socio-professionnelles ; 
  3. La conscience forte que le réchauffement climatique a des impacts sur les situations de travail de toutes les catégories socio-professionnelles ;
  4. 70 % des répondants considèrent que le dérèglement climatique et plus généralement la dégradation de l’environnement peut affecter la santé des salariés et des agents. Un grand nombre de verbatims ont insisté sur la combinaison de facteurs de risques environnementaux et professionnels ;
  5. Un niveau d’anxiété variable face aux changements environnementaux dans le cadre du travail, plus marqué chez les femmes que chez les hommes ;
  6. L’insuffisance de formation et de sensibilisation : premier frein au développement du dialogue social sur les enjeux ;
  7. Des obligations légales renforcées et la réalisation de diagnostics partagés : premières solutions proposées pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ;
  8. La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) est un outil encore insuffisamment connu des salariés et qui intègre peu la dimension environnementale ;
  9. Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) intègre encore peu les risques liés aux dérèglements climatiques ; 
  10. Des Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST) peu sensibilisés sur les risques liés à l’environnement sur les risques liés à l’environnement.

Les conclusions de cette consultation du CESE associée à celles du rapport de l’Anses concrétisent encore davantage l’urgence de connaitre, prévenir et limiter les impacts des dérèglements climatiques et des dégradations de l’environnement sur la santé des travailleurs.