Diaboulimie, le trouble du comportement alimentaire propre aux diabétiques de type 1

Se sentir mal dans son corps, honte ou dégoût de sa propre image… Certains mal-être nous poussent parfois à agir au détriment de notre santé. Ainsi, 4 % des diabétiques de type 1 se privent d’insuline ou en diminuent la dose pour perdre du poids ou contrôler les courbes de leur corps. 1Cette diaboulimie, contraction de diabète et de boulimie, est considérée comme le plus dangereux trouble du comportement de l'alimentation (TCA).
De plus en plus répandu, ce TCA affecte surtout « les adolescentes âgées de 13 ans à 17-18 ans » précise Amandine Auteserres, diététicienne-nutritionniste. Les études scientifiques précisent que 10 % des femmes diabétiques de type 1 âgées de 15 à 30 ans sont concernées. « Même si ce trouble affecte surtout les femmes, je reçois aussi des hommes. Plus rarement certes, mais comme tout problème de poids, de bien-être, toute personne, de tout âge, peut adopter un comportement associé à la diaboulimie. »
Parfois, la diaboulimie s’accompagne d’un ensemble de comportements visant la maîtrise de son poids : vomissements, utilisation de laxatifs ou de diurétiques, régimes restrictifs, jeûne, excès alimentaires après hypoglycémie.
Focus : Pourquoi un manque d’insuline entraîne une perte de poids ?
L’insuline est une hormone essentielle pour transformer les aliments que vous consommez en source d’énergie. Elle prélève le glucose (sucre) présent dans le sang pour l’introduire dans les cellules de votre organisme. En cas de diabète de type 1, lorsque votre organisme manque d’insuline, il va puiser cette énergie dans la graisse et les muscles et ce, quelle que soit la quantité de nourriture consommée. D’où une perte de poids qui peut avoir de graves conséquences.
Un TCA aux origines complexes et multiples
Il existe plusieurs raisons qui poussent un diabétique à la diaboulimie. Elles combinent généralement des problèmes d’ordre physiques, sociaux et mentaux.
Tout d’abord, lorsque vous êtes diabétique, vous prêtez une attention assidue à votre alimentation, notamment celle contenant des glucides. Suivre votre glycémie (mesurée par dosage sanguin de l’hémoglobine glyquée ou HbA1c) et votre poids font partie de votre quotidien. Ces habitudes imposées par le diabète sont parfois vécues comme contraignantes et peuvent affecter la santé mentale. Elles le sont davantage en cas de détresse liée à la gestion de votre diabète, de manque de soutien ou de pressions de votre entourage, de troubles anxieux ou dépressifs, de prise de poids, etc.

Certaines personnes développent un rapport difficile vis-à-vis de leur corps ou de leur poids. Chez les adolescents et les jeunes adultes, cette perception est généralement modelée par l’influence des réseaux sociaux qui véhiculent souvent des images de silhouettes féminines - et masculines – idéalisées. Les échanges entre élèves dans les cours de collèges, de lycées, peuvent également amplifier un manque de confiance en soi.
Chez les adultes, l’origine d’une diaboulimie est davantage liée à une problématique de long terme ; plusieurs de mes patients ne se sentent pas bien dans leur corps ou ont, depuis des années, essayé de perdre du poids, sans succès. ”
Amandine Auteserres est diététicienne-nutritionniste depuis 20 ans. Après avoir pratiqué 15 ans à Londres, elle s’est installée à Paris où elle accompagne des personnes de tout âge selon ses besoins et objectifs afin de trouver un équilibre alimentaire sain et adapté. Depuis quelques années, elle accompagne de plus en plus d’adolescentes diabétiques atteintes de diaboulimie.
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Un comportement dangereux pour la santé
Sur un court terme, la diaboulimie conduit à une hyperglycémie persistante. Celle-ci entraîne une accumulation toxique de corps cétoniques (acidocétose ou ACD) dans le sang voire à une déshydratation sévère.
Sur le long terme, les complications d’une diaboulimie peuvent être irréversibles : atteinte des nerfs oculaires (rétinopathie) ou des pieds et des mains (neuropathie), paralysie de l'estomac (gastroparésie), ou encore maladies cardiovasculaire, rénale ou du foie.
Une diaboulimie peut aussi, dans certains cas, entraîner le décès. Il faut consulter en urgence si vous ou une personne de votre entourage présente des signes d'alerte.
Comment reconnaître les signes d’une diaboulimie ?
Outre un taux HbA1c particulièrement élevé (de 9 % ou plus, taux normal inférieur à 7 %), vous perdez soudainement du poids sans explication. Ceci peut s’accompagner d’une soif persistante et d’envies fréquentes d’uriner, de vertiges, d’évanouissement, de grosses fatigues, de nausées ou vomissement, d’une vision floue ou, chez les femmes, de règles irrégulières.
Plusieurs signes émotionnels ou comportementaux peuvent aussi vous alerter en lien avec la gestion du diabète : pratique excessive d’activité physique, surréaction face à une prise de poids, absence ou insuffisance d’administration d’insuline au moment des repas, voire prescription d’insuline peu fréquente ou rendez-vous médicaux non respectés, détresse face à la lourdeur de la gestion du diabète, crainte de l’hypoglycémie mais aussi irritabilité, sautes d’humeurs, etc.
La diaboulimie, une maladie qu’on a tendance à cacher…
Comme tous les TCA, la diaboulimie est difficile à diagnostiquer. D’autant que les diabétiques sont souvent dans le déni, de peur d’être jugés par leurs proches ou les professionnels de santé. Le diagnostic n’est alors possible que lorsque la personne admet réduire ou supprimer sa prise d’insuline.
Toutefois, « en tant que parent, vous pouvez le soupçonner si votre adolescent perd du poids, boit de l’eau plus que nécessaire, fait davantage attention à son alimentation : réduction de ses portions, une préférence exagérée pour les légumes ou même une consommation de sucreries en cachette » ou si son taux HbA1c est régulièrement élevé.
Un traitement et un accompagnement multidisciplinaire
Le traitement de la diaboulimie a plusieurs objectifs : éviter les complications liées au diabète, une utilisation adaptée de l’insuline et une gestion saine de la glycémie et de son poids. « Vous serez hospitalisé en cas de perte de poids rapide et trop importante car il y a un risque vital », souligne Amandine Auteserres.
Hospitalisation ou non, « vous êtes pris en charge par une équipe pluridisciplinaire sur une période de 3 à 6 mois : votre médecin traitant, votre diabétologue ou endocrinologue, un diététicien ou nutritionniste et un psychiatre ou un psychologue ». Ce dernier peut vous aider à comprendre et à traiter les causes à l’origine de ce TCA, notamment à modifier votre perception de votre image corporelle et améliorer votre propre estime. Si nécessaire, votre médecin traitant ou votre psychiatre peut vous prescrire des anxiolytiques ou des antidépresseurs. « L’accompagnement psychologique et par un nutritionniste est tout aussi essentiel qu’un suivi avec votre diabétologue ou endocrinologue pour adapter le traitement de votre diabète au fil des mois de prise en charge », précise Amandine Auteserres.
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Et d’ajouter que les consultations avec le nutritionniste « vous permettent de trouver une meilleure image de votre corps par l’alimentation, tout en maintenant un diabète équilibré. Ensemble, nous élaborons un plan nutritionnel qui répond à vos besoins. En cas de dénutrition, l’objectif est de retrouver un état stable. Si votre indice de masse corporelle (IMC) est correct, nous travaillerons sur l’importance de l’équilibre alimentaire et les bienfaits d’une alimentation saine et équilibrée, adaptée à chaque patient. »
Et de conclure, « pour garantir une bonne prise en charge, vous devez tout d’abord accepter le diagnostic de la diaboulimie. Il ne faut pas avoir honte de votre comportement. Il est toujours possible de s’en sortir. D’autant qu’une prise en charge précoce permet d’atteindre plus rapidement les objectifs. Pour les adolescents, le soutien, la patience, la bienveillance ainsi que la communication avec les parents sont essentielles. Éviter le jugement et le conflit !
Quelles que soient les raisons qui vous poussent à adopter ce comportement, mes confrères et moi-même essayerons d’y répondre tout en préservant votre santé et notamment l’importance de contrôler votre diabète. »
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