Martine & son crabe —

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Moi, Laurence B. ni condamnée, ni uniquement cancéreuse

Rencontre avec Laurence, maman dynamique qui a bénéficié d’un soin d’onco-esthétique auprès de notre partenaire SOS Féeminité et qui ne se réduit pas à son statut de malade du cancer du sein.
Laurence au milieu, sa fille à gauche, Marion à droite avec un pinceau

(de g. à dr.) Constance, Laurence sa maman et Marion, socio-esthéticienne à SOS Féeminité
© Photo - Vincent Jarousseau

Maman, prof d’Espagnol, active, Laurence aime sortir avec ses copines. Et elle est atteinte d’un cancer du sein. Elle m’a raconté très simplement comment elle a traversé cette épreuve.

Il faut encaisser le choc, puis annoncer la maladie à sa famille

Le verdict de son cancer tombe en septembre 2019. La chimio débutera un mois plus tard. Un an après, alors qu’elle passe sa dernière chimiothérapie orale, Laurence m’a confié ses doutes et ses peurs. Mais surtout ses joies et comment elle ressort grandie de cette épreuve. Plus sûre d’elle-même.

Pourtant, à l’annonce de son cancer du sein, le moral n’était pas au plus haut... à croire qu'elle se doutait de quelque chose. « J’avais l’ordonnance pour faire ma mammo, mais je l’ai laissée traîner peut-être 6 mois... Alors que des radiographies de contrôle j’en avais déjà fait, puisque ma maman et ma grand-mère ont eu un cancer du sein. À un moment, je me suis dit, allez, cocotte, t’en a déjà fait plein ! ».
Dès l’auscultation, le radiologue se méfie de ce petit truc, là... Par précaution, il demande une biopsie. Et les nouvelles ne sont pas réjouisssantes.

Laurence accuse le coup. « Je me suis dit : si j’ai un cancer, je peux mourir, alors ? »

Quand les médecins prononcent le mot de chimiothérapie, la première image qui lui vient en tête n’est pas réjouissante…

« Là, on se voit sans cheveux, sans cils, sans sourcils, couchée sur son canapé dans un vieux jogging moche en train de vomir dans une cuvette. »

Tout ce qu’on lui dit ensuite, elle n’en intègre que quelques bribes. Trop secouée par la claque qu’elle vient de prendre.
L’épreuve ne s’arrête pas là, puisqu’il faut annoncer son cancer à sa famille. À ses enfants. À ses parents. À ses proches. C’est terrible.

Puis vient le temps des traitements.

Prendre soin de soi pour aller de l’avant : « je n’ai pas de jogging, de toutes façons ! »

Lorsqu'elle me confie qu'elle n’échangeait pas avec d’autres patients au Centre de cancérologie Léon Bérard, et que je lui demande pourquoi, Laurence me répond : « J’avais la trouille ! J’avais peur, tout simplement. Je ne voulais pas baigner dans la maladie tout le temps. Je ne voulais parler qu’avec des gens qui allaient bien. Je n’avais pas envie de connaître le taux de mortalité de mon cancer, ou qu’on me raconte des histoires de métastases, tout ça. Berk, berk ! » assume-t-elle avec humour.

Mais elle finit par se rendre compte que parler à d’autres femmes malades permet d’échanger sur des choses que l’entourage ne peut pas comprendre, parce qu’il ne vit pas les choses.

« Quand je dis que j’ai la bouche tellement sèche que je me lève à 2 heures du matin pour me laver les dents et avoir un peu de fraîcheur, les autres malades, elles, savent que ce n’est pas comme quand on a soif après une raclette ! Pas du tout ! »

À Léon Bérard, elle s’inscrit à un atelier proposé par des socio-esthéticiennes. En petits groupes, elle apprend à s’occuper de sa peau fragilisée, à se maquiller avec des produits adaptés, à se redessiner les sourcils, etc. 

S’habiller et se maquiller chaque jour, pour Laurence, ça a été une façon de lutter contre ce crabe dès l’annonce de la maladie. Elle en a besoin pour se reconnaître dans le miroir… de toutes façons, elle n’a pas de jogging, me dit-elle malicieusement.

Mais à mesure de l’avancée de son traitement, elle découvre que la chimio, ce n’est pas seulement avoir la nausée et les cheveux qui tombent. Il faut un vernis spécial, parce qu’avec le Taxol, les ongles sont abîmés et deviennent noirs. Fini le dentifrice à la menthe qui agresse la bouche. Il faut se mettre une tonne de crème sur la peau, qui devient extrêmement sèche. « Les produits, c’est une ruine ! De la crème pour les mains, j’en ai passé plein de tubes depuis un an !! On dit que tout est pris en charge à 100%, mais ce n’est pas tout à fait vrai. [Tous ces produits de soins, qui sont essentiels au confort quotidien, ce n’est] pas remboursé par la Sécu ! »

C'est encore à Léon Bérard qu'on lui conseille de faire un atelier bien-être chez SOS Féeminité. « Je me suis dit, c’est l’occasion d’amener ma fille avec moi, dans un lieu à part pour partager un moment ensemble. Ce n’est pas vraiment l’hôpital. »

Laurence regarde ses mains avec manucure, sa fille a ses côtés - SOS Fééminité

© Photo - Vincent Jarousseau

Les ateliers de soins « ça apporte du réconfort : on n’est pas que malades ! »

Laurence a toujours refusé d’amener ses enfants lors de ses traitements. Mais ce soin à deux avec sa fille, elle l’aborde différemment. Comme un moment d’échange. « On s’est massé les bras, la tête. On s’est mis du vernis. Là-bas on peut discuter de tout ce qu’on veut, de nos vies, de ce qu’on ressent, parler de la maladie, de la famille, etc. »

Il faut dire que les socio-esthéticiennes comme Marion de SOS Féeminité, qui a accueilli Laurence et sa fille, sont formées pour répondre aux besoins spécifiques des malades. Conseiller les crèmes adaptées, la marque de maquillage compatible avec une peau fragilisée…

« Porter cette perruque, c’était me cacher. Et je n’avais pas envie de me cacher. Je voulais que les gens sachent que j’étais malade. Ça ne faisait pas de moi quelqu’un de différent ! »

Pourtant Laurence a bien failli renoncer à ce moment qui lui était proposé gratuitement. Elle ne s’estimait pas légitime. Elle avait l’impression de prendre la place d’une autre, qui aurait eu moins de moyens financiers. Elle me dira d’ailleurs au téléphone « de celles qui en ont besoin ! ».

On lui répondra qu’elle a droit à ces soins de supports autant qu’une autre patiente.

« J’ai envie d’organiser une expo où on poserait sans foulard »

En parallèle de ces soins qui l’aident beaucoup, un projet lui trotte dans la tête. Un projet né de son besoin de s’affirmer comme femme à part entière, malgré la maladie.
« Ce qui m’a le plus marqué dans les effets secondaires, c’est la perte de cheveux. La super copine qui dit, pleine de bienveillance : Non mais tes cheveux, c’est juste un détail, l’important c’est que tu guérisses ! On a juste envie de lui dire : Non mais – CENSURÉ ? – c’est pas toi qui vas les perdre !! C’est un énorme détail, quand même ! ».

Un détail tellement important que, par peur de se retrouver "sans rien" comme elle le dit, Laurence s’est acheté une perruque, des foulards et des accessoires à 1000 €… 3 semaines après le début de ses chimios ! Une perruque très belle, naturelle, montée sur soie. « Mais ça tient chaud, ça gratte et j’avais toujours l’impression d’être déguisée. Ce n’était pas vraiment moi. »

La séance de soins en photos

Avec l’expo "Sois belle et bats-toi !", elle assume

Elle cherche à recruter d’autres femmes qui poseraient sans cacher leur crâne nu. Pas si facile à trouver. Laurence dépose des flyers dans les ateliers beauté à Léon Bérard. C’est de cette façon qu’elle rencontrera 8 autres femmes, prêtes à revendiquer leur féminité différemment. Des femmes belles malgré tout ! L'exposition, qui aboutira 9 mois après que Laurence en ait eu l'idée, s'appelle "Sois belle et bats-toi !". Un titre qui résume bien comment elle a combattue, à sa façon, ce cancer !

→ Voir les photos exposées à Léon Bérard 

Après avoir traversé toutes ces épreuves, portée par une famille extraordinaire et des amis formidables qui l'ont soutenue durant ces 13 mois, Laurence me confie qu’elle vit plus pour elle-même. « J’ai du mal à passer du temps avec quelqu’un qui se plaint de choses futiles. Je suis devenue un peu plus dure. Mais j’ai compris que la vie est tellement belle qu’il ne faut pas la gâcher avec des petites choses ».

Et elle insiste pour faire passer le message de prévention :

« Même si la mammo peut faire peur, faites-vous dépister : avoir un cancer, ça fiche bien plus la trouille ! »

Très chère Laurence, et à toutes les Martine ? qui se reconnaîtront dans son témoignage, je vous souhaite une belle vie loin du crabe !

 


 

Recréer du lien grâce à la socio-esthétique, une thérapie contre le cancer du sein

Carte-blanche_Photos-V.Jarousseau 1 Mo - PDF

Rédigé par : Delphine SANTINI