#Changer de regard

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Quelles solutions pour prendre soin de nos aînés ?

Au-delà des retraites, la question du vieillissement de la population en France est un enjeu majeur pour notre société. Mais comment favoriser le "bien vieillir" ?
3 femmes seniors, rigolent, avec chapeaux et lunettes colorées

L’âge, grand défi de notre temps  

Entre 1972 et 2018, le nombre de retraités est passé de 5 millions à 16 millions de personnes, un taux en constante progression. L’espérance de vie aujourd’hui est de 78,4 ans pour les hommes et 84,8 ans pour les femmes, l’Insee projetant un allongement continu à l’horizon 2060.
Le défi de la longévité pose désormais celui de la prise en charge de nos aînés. Au 1er janvier 2018, 10% des adultes français avaient 75 ans ou plus et d’ici 2050, 4 millions de seniors pourraient être en situation de dépendance.

En 2016, la loi d’adaptation de la société au vieillissement pose les bases d’une politique globale tournée vers l’autonomie, avec une meilleure couverture des soins, un soutien aux personnes les plus dépendantes ou encore la suppression du reste à charge pour les bénéficiaires de l’Allocation personnalisée de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Le tout financé par une ressource dédiée : la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Elle inscrit également la reconnaissance du statut de "proche aidant" et son "droit au répit" et vise un changement de regard sur la vieillesse, davantage envisagée sous le prisme de la pluralité des parcours de vie. 

« Mais faut-il que cette société se reconnaisse inadaptée à son vieillissement pour tenter de s’y adapter par la loi ? » s’étonne Michel Billé, sociologue spécialisé dans les questions relatives aux handicaps et à la vieillesse, président de l’Union nationale des instances et offices de retraités et personnes âgées et auteur de La tyrannie du bien vieillir (2018).
« Certes, nous avons fait du chemin depuis « l’humanisation des hospices » des années 80. La loi de 2016 est un bon début qu’il faut intensifier, notamment par l’octroi de moyens adaptés. Aujourd’hui, 1 femme retraitée vivant seule sur 2, vit en dessous du seuil de pauvreté. Comment lui donner accès à un accompagnement adapté à ses besoins ? »

Mobiliser avec la concertation citoyenne Grand âge et Autonomie

En 2018, la concertation Grand âge et Autonomie est lancée, au cours de laquelle une grande consultation citoyenne a réuni 414.000 participants qui ont émis 18.000 propositions pour répondre à la question "Comment mieux prendre soin de nos aînés ?".

Réalisée du 1er octobre au 5 décembre 2018, elle a permis d’identifier 4 priorités pour les Français

  1. Améliorer les conditions de travail et de vie des professionnels de santé et proches aidants
  2. Augmenter la variété et qualité des lieux de vie proposés
  3. Réduire les coûts de la prise en charge de la perte d’autonomie, en établissements ou à domicile
  4. Renforcer l’accès à la santé pour les personnes âgées

En parallèle, la Mutualité Française a émis 21 propositions qui rejoignent l’avis des Français : une personne âgée doit pouvoir exercer sa liberté de choix et sélectionner l’accompagnement qui lui convient, préserver son capital autonomie en étant aidée par des professionnels formés, notamment avec un reste à charge réduit grâce à un socle renforcé de solidarité. La Mutualité met aussi l’accent sur le rôle crucial des aidants, qui doivent être pleinement reconnus pour un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle.  

Et si on changeait notre regard sur l’âge ?

« La vieillesse est un naufrage » écrivait Chateaubriand. « Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit » chantait Jacques Brel.

Nous devons sortir de cette image que nous avons construite de la vieillesse ! ”

Michel BILLÉ Sociologue

C’est un fait, aujourd’hui encore, vieillir c’est mal. « On considère la vieillesse comme un problème, une maladie, voire un délit. Nous avons le droit de vieillir à condition de rester jeunes : il existe même des diplômes de médecine "anti-âge" ! Or, la médecine a vocation à accompagner l’avancée en âge, pas à la freiner. Ce n’est pas une maladie qu’il faut éradiquer ! Et encore moins un délit dont se rendraient coupables les vieux qui n’ont pas l’élégance de quitter la scène avant de coûter de l’argent. » 

Pour le sociologue, il est impératif de sortir de ces représentations négatives : « la vieillesse est une chance à titre personnel, dans le cadre familial par exemple avec les grands parents, mais aussi à titre collectif pour la société. L’accompagnement des aînés ne doit pas être considéré comme une dépense, mais bel et bien comme un investissement pour l’avenir. » 

Du "maintien" au "soutien", du "placement" à "l’accueil"

Dans ce changement de paradigme, le choix des mots est important. On oppose souvent le « maintien à domicile » au « placement en établissement ». Pour Michel Billé, « le moment est venu de passer du maintien au soutien et du placement à l’accueil ». Autrement dit, on ne « maintient » pas quelqu’un chez lui, mais on l’accompagne dans sa décision personnelle de rester à domicile.
On ne « place » pas quelqu’un en établissement, mais on l’accueille avec des services adaptés. Le sociologue préconise notamment de repenser le fonctionnement des établissements et services à domicile dans une logique de complémentarité et non plus d’opposition. 

« Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) disposent de compétences très variées en matière d’animation, d’accompagnement et de soins. Ces compétences pourraient être utilisées à l’extérieur aussi ! Pourquoi ne pas envisager de faire travailler périodiquement ce personnel dans le cadre des services à domicile ? Cela éviterait l’usure des habitudes tout en familiarisant les personnes âgées avec le personnel. De la même manière, les cuisines des Ehpads, très efficaces, pourraient développer des services de livraison de repas à domicile. Ou l’inverse : que les personnes âgées qui vivent seules puissent venir 1 à 2 fois par semaine déjeuner à l’Ehpad et passer un moment en compagnie d’autres personnes, participer à des activités… »

Cette logique de complémentarité doit s’imaginer en souplesse, pour ne pas pousser les personnes âgées à choisir tout de suite (et de façon tranchée) entre domicile et établissement.

D’autant que, selon un sondage Odoxa réalisé en 2019 (ici) auprès des Français, 30% des personnes interrogées souhaitaient en cas de dépendance « pouvoir alterner entre domicile et établissement spécialisé »

Des expérimentations fleurissent un peu partout en France 

De multiples initiatives sont prises depuis quelques années pour permettre de penser un accompagnement et un soin de qualité, que ce soit en établissement et/ou à domicile. « Carpe Diem, (Nicole Poirier) une démarche qui nous vient du Québec, aide les personnels qui accompagnent les malades d’Alzheimer à se concentrer sur les compétences qu’il leur reste au lieu de se focaliser sur tout ce qu’ils ont perdu » explique Michel Billé. « La méthode de validation, (Naomie Feil, USA.) aide les personnes très âgées ou présentant des troubles cognitifs, à conserver une capacité relationnelle et ainsi à conserver leur intégrité ». 
Il s’agit à travers toutes ces nouvelles approches de respecter la personne dans ce qu’elle a été : sa vie, son histoire, sa culture, ses ressources… 

Votre mutuelle s’engage elle aussi 

À Saint-Etienne, Valence et Montpellier, Aésio mutuelle a développé avec un cabinet d’architecture et une équipe de designers un concept innovant : la Cité des Aînés. Le principe ? Créer un lieu chaleureux qui répond à tous les besoins de la personne âgée en termes de santé, bien-être, lien social, hôtellerie et restauration. Service de conciergerie, salle de sport, jardin potager, restaurant, salon de thé, espace culture pour rencontrer des artistes… Tout est proposé pour faire de ces lieux de vie un endroit où l’on se sent bien.  

En parallèle, Aésio mutuelle a présenté en décembre 2019 ses 10 propositions pour « Réussir la société de la longévité », basées sur des initiatives innovantes issues du terrain.

Parmi elles :

  • libérer l’innovation
  • développer la prédictivité du risque de dépendance
  • objectiver les bénéfices des pratiques non médicalisées
  • développer les services numériques, ou encore
  • encourager le bénévolat des seniors.