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Interprétation Français / Langue des Signes française : comment ça fonctionne ?

La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en lumière l’accessibilité aux personnes sourdes lors des allocutions du gouvernement. Récemment, nous vous parlions de la vélotypie et de l’interprétation en langue des signes. Voyons avec une interprète de quoi il s'agit ?
interprètes signant lsf

© Photo - Erremsi

Nous vous savons curieux, comme nous, alors pour tout savoir du sujet, nous avons creusé et interviewé pour vous Mme Elodia MOTTOT, interprète depuis 10 ans et diplômée depuis 2019.

Bonjour Elodia, peux-tu nous expliquer rapidement comment marche l’interprétation ? 

L’interprétation, c’est faire passer un message d’une langue à une autre, tout en préservant son intégralité, son intention, et son sens.

Il existe plusieurs formes d’interprétation, les plus usuelles sont :  

  • l’interprétation simultanée : le discours est interprété au fur et à mesure de son émission, soit quasiment en même temps,
  • l’interprétation consécutive : le discours de départ est d’abord écouté par l’interprète, puis interprété à la suite de son émission.

Ces deux formes d’interprétation peuvent s’opérer dans des cadres différents, dans des situations de liaison, de réunion, de formation, de conférence, etc.

Lorsqu’un ou une interprète travaille avec une langue vocale et une langue visuogestuelle – les deux langues n’utilisant pas les mêmes canaux de communication – le discours peut alors être interprété simultanément, en présentiel sans que les deux langues ne se perturbent.

Lorsqu’un ou une interprète travaille avec deux langues vocales, les techniques d’interprétation s’adaptent à la situation pour ne pas gêner les personnes qui reçoivent le message : interprétation en cabine, interprétation chuchotée, etc.

Par ailleurs, on distingue la traduction de l’interprétation :

Les deux techniques ont la même fonction :  transmettre un message d’une langue à une autre.

  • Cependant, en traduction, le ou la traductrice a un accès au discours de départ illimité (exemple : traduire un écrit, une vidéo), l’action de traduction s’inscrit dans le temps et peut se parfaire à l’aide de supports supplémentaires pour trouver les formulations les plus adaptées.
  • Tandis qu’en interprétation, l'interprète a un accès au discours de départ limité, l’action est instantanée, et les formulations sont spontanées.

Dans l’idéal, quelle doit être la place de l’interprète ?

En présentiel ou à distance, l’interprète en langue vocale / langue des signes doit être idéalement situé de manière à être visible par les personnes qui réceptionneront le discours.
On évitera de mettre l’interprète dos à une lumière (à contre-jour) ou de le mettre dans un endroit de passage. 

Dans des situations de liaison, il ou elle sera placé généralement à proximité de la personne qui s’exprime en langue vocale, de manière à être dans le même champ de vision que la personne qui s’exprime en langue des signes. 
Quoiqu’il en soit, l’interprète adapte sa visibilité en fonction des conditions spatiales et techniques. Il ou elle fait également attention à ce que la teinte de son visage et de ses mains contraste avec ses vêtements et avec l’arrière-fond devant lequel il ou elle travaille. 

En janvier 2015, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a publié la Charte de qualité pour l'usage de la Langue des Signes Française dans les programmes télévisés. Celle-ci préconise que « l’incrustation de l’interprète occupe idéalement 1/3 de l’image ». Cette mention est un minimum idéal pour toute incrustation de locuteur ou de locutrice en langue des signes dans n’importe quel contenu vidéo.

Pourquoi et comment fonctionne le relai entre interprètes ?

En dehors des situations de liaison, qu’il s’agisse d’interprétation en langues vocales ou en langues visuogestuelles, il est répandu que les interprètes travaillent sur une même intervention en binôme, ou en équipe.

Les interprètes se relaient au bout de 10 à 30 minutes, en fonction du type de la prestation. Lorsque l’interprète est en relai passif, il ou elle peut être un soutien pour son ou sa collègue.

Peux-tu nous parler de la fatigue que cela peut entrainer et l’énergie que cela demande ?

L’interprétation est un exercice cérébral intense qui nécessite d’articuler plus ou moins dans le même temps les principes suivants : concentration, écoute, compréhension, mémoire et formulation linguistique adaptée. C’est une activité qui nécessite une bonne condition mentale et physique, et donc des pauses régulières lors d’un exercice continu. 
Par ailleurs, l’interprétation en langue des signes implique une mobilisation physique, et les efforts cités précédemment génèrent également des micromouvements. De ce fait, l’interprétation en langue des signes compte parmi les professions les plus touchées par les troubles musculo-squelettiques. Il est donc essentiel d’anticiper ces maux en adoptant une bonne hygiène de vie, et des postures qui ne causent pas de dégradations corporelles.

Combien y’a-t-il d’interprètes en France ? Quelles sont les formations diplômantes ? 

En France, on compte quelques centaines d’interprètes LSF/fr de métier. Il n’existe pas de chiffres précis qui déterminent le nombre d’interprètes en activité, avec ou sans diplôme.
Même si le métier d’interprète n’est pas réglementé, il est fondamental de passer par des formations certifiantes pour s’assurer consciemment des enjeux d’intervention. 

Pour l’apprentissage de la LSF, plusieurs centres de formation existent en France. 

Dans la visée de devenir interprète, pour une personne totalement novice, il est nécessaire de se soumettre à :

  • Une formation linguistique complète à la LSF (jusqu’au niveau C1 du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues) 
  • Une immersion linguistique de longue durée. La durée de cette immersion est relative à votre niveau et à votre rythme d’acquisition de la LSF mais cela se compte facilement en années. Sachant qu’il n’existe pas de pays des sourd·e·s signant·e·s, l’immersion linguistique ne peut se faire qu’à travers des activités quotidiennes personnelles, associatives, professionnelles avec des personnes signantes.

Il existe 5 formations master d’interprétation en LSF/fr :

  • Université de Lille – MASTER SCIENCES DU LANGAGE - Parcours Interprétariat langue des signes française (LSF) – français ;
  • Université de Rouen - MASTER SCIENCES DU LANGAGE - Parcours Interprétation langue des signes française (LSF) – français ;
  • Université de Toulouse Jean Jaurès - MASTER LSTIM ;
  • Université Paris 8 - MASTER SCIENCES DU LANGAGE - Parcours Interprétation langue des signes française (LSF) – français ;
  •  École Supérieure des Interprètes et des Traducteurs – Paris 3 – MASTER PROFESSIONNEL – Interprétation en Langue des Signes Française / Français ;

Pour conclure, quels sont les prérequis nécessaires pour exercer ce métier ?

Il faut pouvoir justifier d’un niveau BAC+3 pour pouvoir intégrer le master. Il faut aussi forcément une excellente maîtrise de la LSF et de la culture sourde/signante. Ainsi qu’une bonne maîtrise du français et d’avoir un haut niveau de culture générale.

Merci beaucoup Elodia ;-)

Rédigé par : Marie-Charlotte BIXQUERT