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Harcèlement : comment protéger votre enfant ?

Combattre le harcèlement est devenu un enjeu de santé primordial pour le bon équilibre d’un enfant ou d’un adolescent. C’est pourquoi il est essentiel d’accompagner et sensibiliser les familles sur les bons mots ainsi que les gestes à adopter. Quels sont-ils ? Comment mieux comprendre les répercussions du harcèlement pour mieux le prévenir ?
Enfant qui ne sourit pas, serre dans ses bras une adulte vue de dos

Nous vous donnons des éléments de réponses avec la psychologue clinicienne spécialisée en criminologie clinique et cyber-psychologie, Myriam BENMOUSSA.

Comment détecter les premiers signes de harcèlement ?

Au premier abord je dirais, en observant le comportement de l’enfant ou de l’adolescent, en s’intéressant à son quotidien, en lui donnant l’attention nécessaire et en privilégiant le dialogue.

Souvent, la honte liée au harcèlement va interdire à l’enfant de se confier aux parents, il veut en quelques sortes "s’en sortir tout seul", alors il faut essayer de se rabattre sur une autre forme de dialogue en décryptant les manifestations non-verbales. Si par exemple, l’enfant ne veut plus aller à l’école ou qu’il ne témoigne plus la même envie à l’idée de rejoindre ses camarades, si son matériel est dégradé, abîmé, s’il présente des hématomes physiques, s’il est isolé socialement (qu’il n’est jamais invité aux anniversaires par exemple).

M.Benmoussa

Il faut suffisamment connaître son enfant pour pouvoir remarquer un changement dans son comportement. A-t-il changé ? Est-il préoccupé, triste ? Ses notes ont-elles chuté ? Dort-il mal ? ”

Myriam BENMOUSSA Psychologue clinicienne

Les comportements qui doivent vous alerter

  • D'un point de vue somatique, des troubles corporels, tels que des difficultés digestives (constipation, diarrhée, vomissements…) et d’autres pathologies peuvent venir signaler une souffrance psychique. Toutes ces manifestations psychosomatiques, qui peuvent être en lien direct avec l’environnement relationnel immédiat de l’enfant ou de l’adolescent et donc, avec son établissement scolaire.
  • De la même manière, des troubles émotionnels de type irritabilité, agitation, susceptibilité, repli sur soi, humeur instable telle que la colère, l'agressivité ou encore la tristesse, la déprime voire des auto-reproches répétés pourraient s’installer en réaction à des phénomènes de harcèlements individuels ou de groupe.

  • Au niveau scolaire, repérez les signes : difficultés à s'exprimer en classe, à parler de ses ressentis ou bien apparition progressive de troubles de la concentration qui nuisent aux résultats scolaires, multiplication des absences, crises de colère voire violence notamment avec des attitudes provocantes.

Quelles sont les répercussions psychologiques sur les victimes ? 

L'école est censée être un lieu bienveillant et donc suffisamment rassurant pour que l'enfant puisse s’y sentir protégé. Mais subitement, lorsqu'il est victime de harcèlement à l'école, cet endroit – ce cadre institutionnel supposé sécurisant – devient dangereux, menaçant pour lui et son intégrité (physique et psychique). Le résultat va être sur le long terme et touchera à son quotidien : troubles du sommeil, troubles de la concentration, jusqu’aux troubles post-traumatiques (stress, angoisse).

En effet, ces enfants-victimes doivent constamment être vigilants et cela les épuisera physiquement et psychiquement. L'enfant harcelé réagit souvent avec inhibition, il se met en retrait et joue seul.

Certains enfants peuvent devenir agressifs et dangereux, souvent vis-à-vis d'eux-mêmes. Des cauchemars pourront survenir de façon plus ou moins récurrente, ils pourraient développer de l'eczéma, perdre leurs cheveux, avoir des dérèglements hormonaux, voire même dans certains cas, des retards de croissance.

L’abandon scolaire suite à du harcèlement à l'école, est une répercussion récurrente du harcèlement chez l’enfant. Pour résumer, l'enfant est perturbé puisque tout ce qui l'entoure le met en danger. Il perd ses repères alors qu’il est encore en pleine construction. Certains enfants harcelés auront tendance à se méfier, au point de devenir par la suite phobiques.

Le harcèlement est dévastateur sur l’estime de soi de la victime et son statut au sein du groupe mais aussi sur le bourreau et ses "spectateurs" car c’est le silence ou la complicité du groupe qui rend possible le harcèlement scolaire.
C’est pour cette raison qu’il est important de repenser la façon de répondre à leurs comportements violents, en conjuguant les sanctions avec un accompagnement psychologique adapté. 

Comment aider les victimes de harcèlement et de cyberharcèlement ?

Les victimes de cyberharcèlement ont en général des difficultés à verbaliser leur situation, par honte, culpabilité ou peur des représailles. Il est important de les croire et de prendre rendez-vous avec la direction de l'école ou le délégué des parents d'élèves, ou encore d'en parler au référent harcèlement académique.

Il n’est pas conseillé aux parents d'essayer de résoudre la situation par eux-mêmes ou de prendre contact avec l'agresseur, car la situation pourrait empirer pour l'enfant et provoquer des problèmes relationnels entre l’enfant et ses parents. Les élèves témoins peuvent également en parler avec un adulte de confiance au sein de l'école, ou encore aux délégués de classe, mais ils ne doivent pas essayer de régler la situation par la violence ou en y prenant parti ! Le harcèlement, encore une fois, commence par le passage au silence de ces spectateurs de l’acte tragique.

De plus, le personnel enseignant et la direction de l'établissement sont les premiers interlocuteurs à contacter en cas de harcèlement scolaire.

Un suivi psychologique pour l'élève harcelé est également recommandé et parfois, pour son entourage car il est nécessaire que la victime perde le sentiment de honte et de culpabilité, qu'elle retrouve confiance et estime de soi et que ses proches acceptent ce sentiment fréquent d’impuissance.

Sur différentes plateformes, il est possible aujourd’hui d’avoir de l’aide concernant le harcèlement scolaire. Par exemple, sur Psychologue.net, de nombreux psychologues ou psychothérapeutes peuvent suivre et aider les élèves, de la primaire au lycée, ou encore les étudiants, victimes de cyberharcèlement et de harcèlement scolaire.

Deux numéros d'écoute contre le harcèlement

 - Le 30 20, numéro d’écoute et de prise en charge au service des familles, des victimes

 - Le 0800 200 000 (cyber violences) avec des procédures de signalement exclusives et accélérées des comportements et contenus indésirables observés sur ces réseaux de communication, notamment constitutifs de cyber harcèlement.

Il y a 335 référents harcèlement au niveau académique et départemental qui supervisent et coordonnent (sur site dans les cas les plus complexes) les actions pour résoudre les situations de harcèlement signalées, grâce à la plateforme du 30 20 via une application numérique sécurisée.

Des équipes ressources dans chaque collège et circonscription d’écoles, formées aux méthodes spécifiques, activent le protocole de prise en charge.

Enfin, une cellule NAH au sein du ministère, met en œuvre et coordonne les actions de la politique publique.

Chaque établissement peut concrètement :

• Travailler sur la dynamique et les stratégies d’équipe

• Adopter des démarches pédagogiques en faveur de l’engagement et de la motivation des élèves

• Etablir un cadre et des règles explicites

• Prévenir les violences et le harcèlement

• Privilégier la coéducation avec les familles

• Favoriser les liens avec les partenaires

 • Améliorer la qualité de vie à l’école, collège, lycée

Quel est le rôle des parents ?  Quels conseils leurs donneriez-vous ? 

Bien sûr, dans un monde idéal, l’adulte tout puissant devrait savoir détecter les violences, les souffrances de leur propre enfant et prévenir les jeux "dangereux". Mais dans le réel, les parents n’interviennent souvent que lorsque le mal est fait. C’est pour cette raison qu’il est plus facile de démêler les choses à plusieurs notamment entre les parents et les enseignants pour essayer ensemble, de relever tout changement brusque physique, scolaire ou du comportement.

Des travaux récents aux États-Unis qui portent sur la « technoférence » mettent en lumière les conséquences de l’usage du smartphone par les parents sur l’enfant. Quand ils sont sur leur téléphone, ils ne répondent pas à leur bébé ou en faisant des phrases beaucoup plus courtes.
C’est très perturbant pour l’enfant. Il en résulte des problèmes de communication, de repli sur soi et d’appétence pour les écrans, allant parfois jusqu’ à l’addiction.

Il faut bien comprendre que l’enfant, dans un réflexe identificatoire, va chercher à reproduire les actions des parents. Si un enfant admire son père ou sa mère en train de "jouer" sur son téléphone avec engouement et plaisir, il va essayer lui aussi d’avoir accès à cet écran tant aimé par le parent.
Serge Tisseron a dit : « Chaque parent devrait commencer par s’intéresser à ce que son enfant regarde sur les écrans et ce qu’il y fait. Susciter le dialogue est primordial. Et surtout montrer l’exemple, car les adultes sont parfois tout aussi accros à leur téléphone ».

Le smartphone qui s’interpose dans la relation parent-enfant est pointé comme un problème majeur.

Mes conseils pour les parents :

  • Surveillez l’utilisation des écrans.
  • Soyez vigilants aux manifestations psychosomatiques liées au harcèlement et aux troubles du comportement.
  • Le dialogue est la CLÉ pour lutter contre le harcèlement : suscitez l’intérêt et la curiosité pour votre enfant.
  • Signalez les contenus, les messages, les commentaires qui portent atteinte à votre enfant. Il est possible de le faire sur plupart des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, YouTube…).
  • Vous pouvez prendre rendez-vous avec la direction de l’école, du collège ou du lycée et contacter un représentant des parents d’élèves afin qu’il vous conseille et vous accompagne dans vos démarches.
  • En cas d’hésitation, vous pouvez contacter les professionnels de l’école des parents et des éducateurs au 3020, numéro Vert et gratuit. Ces écoutants vous conseilleront, vous orienteront et prendront contact avec le référent départemental "Harcèlement" de l’Education nationale.
  • Proposez des activités non virtuelles, maintenez le lien social !
  • Poussez à un travail thérapeutique pour restaurer l’estime de soi de l’enfant : à travers des activités qui le valorisent (sport, art, théâtre…) et aussi par des discussions avec un adulte de confiance ou quelques séances chez un thérapeute.

Affiche de l'Education nationale

Infographie de l'Education nationale, comprendre, agir, éveiller les consciences

© Ministère de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports - 11/2020

En savoir plus

La Fondation AÉSIO est partenaire des Centres Relier, dont la mission sociale est d’accompagner les jeunes victimes de harcèlement et de les aider à se reconstruire en s’appuyant sur le réseau d’acteurs locaux.

Rédigé par : Yasmine KHIZRANE