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Être parent d’enfant sourd, témoignage de Lise Hardeman

-« Le pédiatre nous dit qu'il y a une suspicion de surdité »-. Lise, mère de deux enfants, nous parle d'Olivia, l'une de ses filles, qui a été diagnostiquée sourde à la naissance.
Olivia, portrait dans son berceau

Bonjour Lise, pourriez-vous vous présenter ? 

Je m'appelle Lise Hardeman, j'habite entre Villotte sur Aire et Nancy, j'ai 39 ans. Je suis conjointe collaboratrice dans l’entreprise de mon mari. On a une entreprise de vente d'outillages, visseries et quincaillerie sur internet.
Je suis maman de deux enfants : Noémie 10 ans et Olivia 5 ans.

Votre fille Olivia est sourde, pourriez-vous nous la présenter en quelques mots ? 

Olivia aime faire les choses par elle-même ! Par exemple : il y a pas longtemps, elle a appris toute seule à faire du vélo sans petites roues. Elle est très curieuse, maline et c'est un clown.
Elle a un caractère très fort, de leader. Elle aime mener son monde à la baguette. Elle n'a peur de rien et de personne. Elle est têtue !

Comment s’est passé votre grossesse ? Dans quel état d’esprit étiez-vous dans l’attente de cet enfant ?

L'accouchement de Noémie a été particulièrement difficile. J'ai eu une césarienne d'urgence.

Pour la grossesse d’Olivia, j’avais comme un pressentiment, que quelque chose se passerait mal, qu’il y aurait peut-être une maladie, malformation … Le 22 septembre 2015, l’accouchement a été très difficile, au moment de pousser, je n’avais plus de contractions. Le médecin a dû utiliser une ventouse pour sortir Olivia. Elle a été privée d’oxygène pendant 45 minutes ! Elle est partie en Néonat et son état s’est amélioré rapidement.
Le jour de la sortie de la maternité, le pédiatre effectue sa visite pour l’autorisation de sortie, tout est ok. Sauf pour l’audition, le test OEA (oto-émissions acoustiques) ne fonctionne pas. Le lendemain matin, nous avons recommencé l'examen qui relève les mêmes résultats.

Le pédiatre nous dit qu'il y a une suspicion de surdité. Il prend rendez-vous au CHU de Nancy pour faire des examens complémentaires...

Comment s’est déroulé le diagnostic ?

À ce moment-là, on sait que notre fille va bien, elle est en bonne santé. Mais les informations d’une possible surdité nous inquiètent surtout pour son apprentissage du français écrit qui est le reflet de la langue parlée. 

Comment va-t-elle faire pour apprendre à lire et écrire ? Cette question nous effraie. Par contre, nous n'avions aucun doute par rapport à son épanouissement et sa vie. ”

Lise HARDEMAN maman d'Olivia et Noémie

Comment vous a-t-on annoncé la surdité de votre enfant ? Comment l’avez-vous vécue ? Et votre cercle familial élargi ?

Le 3 décembre 2015, le constat est tombé. Olivia a fait un PEA (potentiels évoqués auditifs), plus fiable, qui confirme la surdité profonde bilatérale d’Olivia.

Pendant l'entretien, on nous dit de ne pas nous inquiéter, qu'ils avaient LA solution : l'implant cochléaire et qu’Olivia entendra grâce à cette technologie.
Quand j'’ai évoqué mon désir d'apprendre la langue des signes française. On m’a répondu : « c'est bien la LSF mais si vous voulez qu'elle parle un jour, il faut oraliser surtout ! »

Après cette annonce de surdité profonde bilatérale, nous sommes fixés. Nous ne sommes pas surpris car nous avions bien constaté qu'Olivia n'entendait pas, nous avions juste besoin d'une confirmation.
La surdité était un choc mais nous avons décidé de l’accepter et d'apprendre sa langue naturelle : la langue des signes française.

Olivia et sa grande soeur Noémie

Le lien avec Olivia était déjà là. Elle est en bonne santé, nous l’aimons, c’est le plus important. Pour la famille aussi.

Suite à l’annonce, on nous prescrit un scanner. Je pensais que c'était pour savoir ce qui ne fonctionnait pas dans ses oreilles... mais non, c'était juste pour savoir si elle avait des nerfs auditifs de qualité pour l'implanter avant son 1er anniversaire !

Avant cela, nous n’avions aucune connaissance de la surdité, de la langue des signes, des appareillages, etc. Nous découvrions tout cela et nous nous sommes rapidement renseignés. Je suis tombée dans mes recherches sur un groupe Facebook ADPIC (Association de Défense de Personnes Implantées Cochléaire) avec des témoignages plutôt en défaveur de l’implant. Nous avons su rapidement que la LSF serait notre "Plan A" et la langue maternelle que nous souhaitons pour elle.

J’ai commencé à apprendre la LSF en décembre avec des livres, des vidéos YouTube pour commencer. Olivia avait alors 3 mois.

Quelles sont les questions que vous vous êtes rapidement posées ? Avez-vous des réponses ? Si oui, par qui ?

La première question que j’ai dû me poser concerne l’apprentissage de l’écrit et de la lecture. Comment allions-nous faire ?
Puis rapidement, après des recherches, après avoir visionné des épisodes de « L’œil et la Main », le dvd « La vérité »,  j’ai compris que l’enjeu n’était pas de soigner ou de réparer mais bien de lui donner une langue et surtout une identité. On voulait qu’elle soit impliquée à 100% dans une communauté.

Quand il a été temps de réfléchir à l’éducation scolaire pour votre enfant, quel a été votre choix ? Et pourquoi ?

Nous avons été orientés vers le CAMPS (Centre d'action sociale médico-précoce) de Bar-le-Duc, nous y avons rencontré des professionnels compétents mais aucun de connaissait ou pratiquait la LSF. Nous avons donc cherché, longuement, une autre solution.
Personne ne nous avait dit que le SESSAD¹ de Bar-le-Duc proposait un suivi en LSF. Pourtant, certains professionnels que nous avons rencontrés depuis la naissance d’Olivia le savaient.

C’est tellement dur pour les parents d’être bien orientés et accompagnés dans leurs choix !
Ce n’est qu’en septembre 2016, un peu avant le premier anniversaire d’Olivia, que nous avons pu l’inscrire au SESSAD de Bar-le-Duc, avec une éducatrice sourde pratiquant la LSF.

¹ Les SESSAD sont des structures du secteur médico-éducatif. Leur statut, en ce qui concerne la gestion, le financement et le contrôle par les ARS est très proche de celui des établissements. Les élèves sont orientés en SESSAD par la MDPH.

Avec du recul sur ce parcours, comment le qualifieriez-vous ?

Avec le recul, même s'il est compliqué et coûteux d'apprendre la langue des signes, je ne regrette pas et je suis même fière de l'avoir fait.
Aujourd'hui, Olivia a 5 ans. Elle est très épanouie. Elle a confiance en elle. Son bien-être est dû au fait qu'elle a une langue depuis sa naissance.

Que diriez-vous aujourd’hui à des parents qui apprennent la surdité de leur enfant ? Auriez-vous des conseils particuliers ?

  • Le 1er conseil primordial : n'arrêtez pas de parler à votre enfant ! Le fait de lui parler accentue les expressions de votre visage et ce processus permet de créer un lien avec votre enfant.
    Ne suivez pas le corps médical, les yeux fermés : il n'y a que vous qui savez ce qui est le mieux pour votre enfant et pour vous-même ! En 2021, internet est plein de ressources, d'informations... Je suis présente sur les réseaux sociaux pour cela : aider et montrer que ma fille va bien.
    Allez à la rencontre d'autres parents d'enfants sourds sur les réseaux sociaux, écoutez leurs témoignages de vie ; mais faites-vous votre propre opinion pour faire le choix linguistique de votre enfant.
  • Le 2e conseil : il faut que votre enfant ait une langue rapidement ! Pour son développement cognitif c'est essentiel et limite vital.

Suivez le quotidien d'Olivia sur Instagram sur @parentsenfantsourdlsf 🤟🏻

Rédigé par : Marie-Charlotte BIXQUERT