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Anorexie mentale : la prévenir et la guérir

Savez-vous ce qu’est vraiment l’anorexie mentale ? Connaissez-vous ses réelles causes et conséquences pour le corps, ainsi que les mécanismes et thérapies ?
AÉSIO mutuelle fait le point sur ce trouble du comportement alimentaire pour que vous puissiez agir rapidement.

L’anorexie mentale est une maladie qui fait des victimes dans une population relativement vulnérable qui est celle des adolescentes. Pourtant elle continue d’être associée le plus souvent uniquement à sa conséquence première : un amaigrissement excessif et brutal

Qu’est-ce que l’anorexie mentale ?

Une maladie mentale fondée sur la privation volontaire de nourriture

L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires qui se caractérise par une privation alimentaire sévère et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Un trouble qui touche en grande majorité des jeunes filles adolescentes

L’adolescence est une période de profond questionnement sur nous-même et sur notre corps, où nous avons envie de correspondre aux codes esthétiques de la société. Ainsi, de nombreuses jeunes filles sont conduites à faire un régime dans l’espoir d’être aussi minces que les copines ou les modèles des magazines.
Mais chez une minorité d’entre elles, cette volonté vire à l’obsession, générant une spirale infernale.

Selon une revue des études épidémiologiques réalisées entre 2000 et 2018, la prévalence de l’anorexie au cours de la vie serait de 1,4% chez les femmes et de 0,2% chez les hommes.

Quelques chiffres de référence :

  • Un trouble qui se déclenche le plus souvent entre 14 et 17 ans avec un pic de prévalence maximale à 16 ans, mais le trouble peut parfois survenir plus tôt, à partir de 8 ans, ou plus tard, après 18 ans.  
  • La phase anorexique dure en moyenne 1 an 1/2 à 3 ans, mais cet état peut se prolonger jusqu’à 5 ans ou plus, chez certaines patientes.
  • 5% à 6% des patients décèdent.

Une maladie mentale qui a des effets durables sur le corps 

Un dysfonctionnement de l’organisme

Si l’anorexie mentale est aussi dangereuse et même potentiellement mortelle, c’est parce que l’emprise mentale que vous exercez sur votre corps va avoir des effets profonds et durables modifiant jusqu’à son propre fonctionnement.

En effet, en cas d’anorexie mentale prolongée, votre corps va s’adapter à ce régime drastique forcé par des modifications des systèmes de régulation de l’appétit, du métabolisme et de l’humeur. Ainsi, chez 80% des patients anorexiques, le système cérébral de la récompense est altéré. Habituellement le fait de manger de bonnes choses provoque chez vous la libération d’endorphines et donc une sensation de bien-être. Mais si vous êtes anorexique, votre corps opère une inversion et c’est le jeûne, la restriction alimentaire et l’activité physique intense qui génèrent des endorphines.

"Bien-être" est désormais associé à "privation", et vous entrez dans un cercle vicieux dont il est de plus en plus difficile de sortir.

Des conséquences durables sur la santé

Les conséquences de l’anorexie sur la santé vont bien au-delà d’un simple amaigrissement. Un corps qui manque d’apports nutritionnels est un corps faible et donc plus vulnérable. Parmi les conséquences directes sur la santé, on peut relever :

  • Une atteinte cardiovasculaire : chez 87% des patientes, on relève une baisse du rythme cardiaque, des troubles du rythme du cœur et des chutes de tension.
  • L’aménorrhée : c’est-à-dire l’absence de règles depuis au moins 3 mois. Les personnes souffrant d’anorexie mentale sont généralement infertiles durant ce temps, même si le risque de grossesse n’est pas nul. 
  • Des manifestations hématologiques : si vous êtes anorexique, vous avez plus de chance de développer des infections, d’être victime de perturbations neurologiques, de troubles métaboliques, du cholestérol et du glucose, et de rencontrer des problèmes rénaux et hépatiques.
  • Des conséquences physiques : outre l’amaigrissement, vos cheveux et vos ongles sont plus fragiles, augmentant le risque de chute ou de casse, et vous pouvez rencontrer des problèmes de constipation.
  • Un risque d’ostéoporose : si vous ne connaissez pas cette maladie, vous pourrez mieux la comprendre dans notre article.
  • Une usure dramatique des dents notamment en cas de vomissements : l’acide attaque l’émail, qui s’aminçit progressivement avant de disparaître, et d’exposer la dentine. Les dents prennent alors une forme biseautée et perdent de la hauteur.
     

Comment savoir si vous êtes prédisposé(e) à l’anorexie mentale ?

Contrairement à certaines croyances, l’anorexie n’est pas spécifique à une catégorie sociale. Elle affecte tous les milieux sociaux, et dépend surtout de la stabilité du milieu en question. Il existe plusieurs facteurs reconnus qui peuvent prédisposer à l’anorexie.

–  Facteurs comportementaux (liés à votre personnalité) :

  • Perfectionnisme
  • Faible estime de soi
  • Manifestations anxieuses
  • Manifestions dépressives
  • Addictions
  • Troubles obsessionnels compulsifs
  • Phobies

–  Facteurs environnementaux (liés à votre entourage, votre histoire) :

  • Milieu stressant
  • Environnement social hostile
  • Maltraitance
  • Abus sexuels

–  Facteurs génétiques (liés à l’hérédité) :

Bien qu’à ce jour, aucun gène prédisposant directement à l’anorexie mentale n’ait été mis en évidence, plusieurs études affirment que les personnes en souffrant présentent aussi plus fréquemment des mutations sur 8 gènes. Ces gènes sont déjà associés à d’autres troubles, tels que les troubles obsessionnels compulsifs, la dépression ou la forte inclination pour l’activité physique.

Si vous ou l’un de vos proches répondez à plusieurs de ces différents facteurs, faites preuve de vigilance.

Prévenir l’anorexie : différents stades

L’anorexie ne se manifeste pas soudainement chez la personne concernée.

Vous ne vous réveillerez pas un matin, anorexique. Il existe différents stades de développement de la maladie qu’il est important de connaître, afin de renforcer votre vigilance pour vous ou votre entourage. Il est effectivement primordial de savoir repérer les signes chez les autres, car bien souvent, la personne touchée n’en est pas consciente.
Or une personne détectée et suivie dès le premier stade a beaucoup plus de chance de s’en sortir qu’une personne qui a atteint le stade 3.

1/  Premier stade : L’anorexie mentale apparaît souvent pendant la puberté, une période de bouleversement physique et mental où nous sommes focalisés sur notre image. Elle commence généralement suite à une volonté de changer, de "maigrir pour le mieux" avec un régime. Cependant, il arrive parfois que cette restriction soit la conséquence fortuite de traumatismes (deuil, séparation familiale ou amoureuse, agression…), un réflexe face à une perte de contrôle de votre propre existence.
Dans tous les cas, il s’agit d’un bouleversement alimentaire, fortuit ou volontaire, qui ne doit à l’origine pas dépasser une certaine limite de temps.

2/  Deuxième stade : le "régime" se prolonge dans le temps et devient de plus en plus drastique. De nombreux aliments commencent à disparaître progressivement de votre alimentation. Vous n’êtes jamais satisfaite de votre image, et cela malgré la perte de poids.
Vous vous trouvez toujours trop grosse et repoussez en permanence vos limites physiques, développez un intérêt excessif pour le sport. Vous vous sentez affaiblie et paradoxalement vous avez l’impression fausse de reprendre le contrôle de votre vie par l’intermédiaire de votre corps.

3/  Troisième stade : la nourriture est devenue une obsession, le moindre aliment avalé fait l’objet avant d’une soigneuse réflexion. Vous regardez systématiquement les apports caloriques sur les boîtes et listez tout ce que vous avez mangé pendant la journée. Cette liste est en permanence présente dans votre esprit, vous ne parlez plus que de nourriture et de sport, que vous pratiquez généralement à outrance.
Vous n’êtes toujours pas satisfaite par votre image, mais paradoxalement vous avez encore l’impression d’avoir le contrôle et niez les mises en garde de vos proches. Vous ne savez pas comment sortir de cette logique d’amaigrissement continu, et pire, une part de vous n’en a pas envie.  

© photo de Olenka Kotyk, on Unsplash

Comment détecter un cas d’anorexie ?

Des symptômes bien définis

Détecter un cas d’anorexie mentale est difficile sur un proche. Comment être sûr de ne pas la confondre avec une maigreur naturelle ?

Mais lorsqu’il s’agit de vous-même, cela se complexifie encore plus.
Sachez qu’il existe des critères cliniques issus des classifications internationales pour poser le diagnostic de l’anorexie mentale. Ils se réfèrent :

>  À la façon de s’alimenter :

  • Restrictions alimentaires
  • Eviction de certains aliments
  • Refus de s’alimenter
  • Phases boulimiques (prises compulsives de quantités importantes de nourriture suivies de comportements compensatoires)
  • Pratiques spécifiques (vomissements provoqués, prise de laxatifs)

>  Au poids : IMC inférieur à 17,5 kg/m2

>  À la perception et à l’estime de soi :

  • Tendance à nier sa maigreur                                            
  • Perception déformée de son corps (corps toujours trop gros)
  • Sentiment d’avoir le contrôle sur son corps
  • Angoisse profonde de grossir

D’autres symptômes récurrents

En dehors de ces symptômes classiques et définis, d’autres sont également fréquents, tels que l’hyperactivité, le surinvestissement intellectuel et le ralentissement de la croissance notamment chez les jeunes.
 

Comment guérir de l’anorexie ?

Le bilan

En cas d’anorexie, il est fortement conseillé de faire un bilan lors de la prise en charge initiale. En effet, il n’existe pas un « type d’anorexie » : certaines formes sont bien plus graves que d’autres et toutes ne mobilisent pas les mêmes canaux psychologiques. Si vous êtes anorexique ou avez un proche qui en est atteint, une évaluation somatique, nutritionnelle et psychique peut vous être extrêmement profitable. Notamment parce que cette dernière va constituer une base à partir de laquelle les médecins pourront vous orienter.

Ce bilan permettra également d’établir une liste d’étapes à suivre. L’anorexie se guérit rarement d’un coup et il vaut mieux procéder par étapes, l’arrêt de la perte de poids étant la première, bien avant le gain.

L’intervention de plusieurs disciplines

L’anorexie est une maladie mentale qui a des effets physiques et durables sur le corps. Il est donc important de prendre en compte ces deux aspects, psychologique et somatique, dans le processus de guérison. Ainsi, un cas d’anorexie confirmée requiert idéalement un suivi :

  • Du médecin traitant, d'un médecin spécialiste, ou d'un pédiatre 
  • D’un psychiatre ou pédopsychiatre ou psychologue

S’il n’existe pas de traitement médicamenteux spécifique de l'anorexie, une psychothérapie doit être commencée dès que possible afin de vous aider à :

  • Accepter la nécessité de prendre du poids : beaucoup de cas de déni sont rencontrés chez les personnes anorexiques.
  • Tendre vers une alimentation équilibrée.
  • Vous accepter et prendre confiance en vous : le manque d’estime de soi est souvent un élément déclencheur.
  • Traiter d’autres troubles psychiques : l’anorexie peut arriver avec un effet de surenchère sur d’autres problèmes qui lui sont indépendants.

Apprendre à aimer de nouveau votre corps et vous réconcilier avec vous-même est une étape fondamentale dans la guérison d’un cas d’anorexie.

La famille occupe une place primordiale dans ce processus, et la thérapie familiale s’est révélée très efficace notamment dans les cas des adolescents. Elle implique les parents mais aussi les frères et sœurs avec pour objectif de renforcer les liens intrafamiliaux et donc le soutien envers la personne atteinte. Il existe également des thérapies de groupe et des groupes de parole.

L’hospitalisation

Selon les moments et la gravité de l'anorexie, les prises en charge peuvent se dérouler au travers de soins ambulatoires plus ou moins intensifs.

Mais si vous êtes atteint d’anorexie sévère et refusez de modifier votre comportement, vous courez alors un danger vital, et l’hospitalisation devient incontournable. De nombreux programmes vous seront alors proposés pour faciliter votre rétablissement : programme nutritionnel adapté, entretiens thérapeutiques quotidiens, art-thérapie, sport, activités culturelles et culinaires...

Rédigé par : Clotilde CHEVALIER