Femmes et addictions : quelles solutions ?
L’addiction aux substances psychoactives (alcool, tabac, drogues, médicaments…) ou même aux jeux d’argent et de hasard est une maladie complexe qui pose un problème de santé publique majeur aux impacts à la fois sanitaires, médicaux et sociaux. Elle est diagnostiquée quand l’individu est dans l’impossibilité répétée de contrôler son comportement en dépit de la connaissance des conséquences négatives. On parle alors d’aliénation engendrant dommages, dépendances, et parfois la mort.
Un processus d’addiction commun à tous
Pour les deux sexes, le processus addictif est identique :
D’abord, l’expérimentation de la substance puis un usage régulier et intensif entraînant fatigue, manque de concentration, désinvestissement professionnel et relationnel, dépense d’argent et même parfois ennuis judiciaires.
La bascule s’opère alors vers l’addiction, où l’on perd le contrôle du choix de sa consommation sans pouvoir recourir à sa volonté. Si la descente aux enfers est commune aux hommes et aux femmes, les conséquences sont plus complexes pour ces dernières.
Des femmes montrées du doigt
Du fait de leurs spécificités physiques et physiologiques et des moments de la vie où l’addiction peut les toucher, les femmes sont davantage exposées (parentalité, violences conjugales et/ou sexuelles, emprise familiale, précarité économique...).
Mais c’est aussi une pression sociale qui pèse sur elles et dégrade leur situation : culpabilité, image de mauvaise mère, déficit de l’estime de soi… Pour Sarah Serievic, psychothérapeute, créatrice de l’atelier thérapeutique Le théâtre authentique : « La femme est montrée du doigt. Très alcoolisée, par exemple, elle suscitera un plus grand sentiment de gêne et de dénigrement ».
Ces caractères discriminants et les inconscients collectifs ajoutent à leur peine et retardent souvent leur prise en charge.
Femmes et alcool : le point de vue de Catherine SIMON
Les forces des femmes
Au-delà des représentations sociales dont elles sont victimes, les femmes ont aussi des forces vitales utiles à leur rétablissement et qui leur sont propres. Pour celles qui deviennent mères, il est observé une forte détermination à s’en sortir. Se projeter dans la parentalité les stimule pour reprendre le contrôle de leur consommation, à condition que l’arrêt ne soit pas brutal et suivi médicalement.
Côté introspection, les femmes ont une approche différente des hommes, comme le constate Sarah Serievic :
Une femme va parler plus facilement de sa blessure, facilitant ainsi son exploration personnelle. ”
Un réseau complet pour sortir de l’addiction
L’addiction impose une vision transversale prenant en compte les aspects médicaux, paramédicaux, sociaux et psychologiques.
À l’hôpital, en consultation privée, dans un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSPA) ou dans un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), des professionnels accueillent jeunes et adultes sur le chemin de la résilience.
En hospitalisation comme en ambulatoire, libre aux femmes de choisir la structure qui saura les accueillir et les suivre en prenant en compte toutes leurs spécificités.
- Addict'elles - www.addictelles.com
- https://www.federationaddiction.fr
- Drogues Info Service au 0800 23 13 13
- Fil santé jeunes : 0 800 235 236
- www.santeaddictions.fr
- L’Assurance Maladie - https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/addictions
Des femmes moins dépendantes à l’alcool, au cannabis et aux drogues dures, mais plus aux médicaments.
Toutes les enquêtes indiquent des consommations plus importantes chez les hommes, toutes substances confondues (alcool, drogues) à l’exception du tabac et des médicaments psychotropes. Si, en majorité, ces médicaments sont pris raisonnablement dans un cadre thérapeutique, il existe des usages problématiques ou à risque.
En France les plus consommés sont les anxiolytiques avec 1,4 boîte remboursée par habitant de 20 ans et plus, dont fait partie une majorité de femmes.
Parmi les personnes ayant déclaré avoir joué à un jeu d’argent et de hasard au cours de l’année écoulée, 4,4% peuvent être classés comme joueurs à risque modéré et 1,6% comme des joueurs excessifs.
Leur profil : homme, jeune, diplômé, actif, chômeur ou étudiant, à faibles revenus.
C’est le tabac qui crée le moins de différence entre les sexes, avec même une hausse de la consommation chez les femmes âgées de 45 à 65 ans.
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Changeons de regard sur les femmes ! Rencontre avec Catherine DELORME.
Catherine DELORME
Spécialiste des phénomènes de dépendances depuis plus de 20 ans
Vice-Présidente de la Fédération Addiction, directrice du Centre d’addictologie Oppélia Trait d’Union 92
Le poids social et le regard culpabilisateur sur les femmes dépendantes est fort. Quelles conséquences sur leur prise en charge ?
Face à cette pression consciente comme inconsciente, les femmes cachent davantage leur consommation, ce qui pose un problème en termes de prise en charge. Elles arrivent tardivement dans nos centres, c’est-à-dire à un point de dépendance et de consommation très forts. Les difficultés sont alors plus grandes. Par ailleurs, elles sont plus exposées aux risques sexuels auxquels leur addiction les confronte. Sous l’emprise de certaines substances, la désinhibition est un danger.
Comment la communauté médicale et paramédicale aborde la question de l’addiction chez les femmes ?
Un important travail a été mené pour une prise de conscience et une prise en charge plus personnalisée. Des associations comme Addict’elles se consacrent uniquement à l’addictologie des femmes. Mais il faut que les médecins généralistes, premier point d’entrée, osent leur poser certaines questions pour mieux repérer les terrains addictifs. Le public féminin doit être mis en confiance dès l’accueil, et certaines structures ont aménagé des espaces horaires qui leur sont réservés. Il est important de les déculpabiliser et faire le point sur leur milieu familial, leur parentalité, leur indépendance financière ou leur contraception…
Vous dirigez un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSPA), qui en a l’accès ?
Les CSPA proposent des solutions d’accompagnement global et individualisé à courts et longs termes. Notre équipe est pluridisciplinaire : généralistes, gynécologues, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux et autres intervenants (diététicien, art thérapeute…).
La démarche est soumise à la confidentialité et est entièrement gratuite, sans même passer par le généraliste. Une personne peut choisir de garder l’anonymat.
Pour chaque patient, un angle de prise en charge différente est trouvé :
- aide médicamenteuse,
- accès à un logement,
- solution pour gérer le surendettement…
Il n’y pas de durée limitée d’accompagnement. Notre objectif : que la personne sous addiction retrouve un équilibre à son rythme. Bien sûr, d’autres lieux de prise en charge existent comme à l’hôpital ou auprès de spécialistes d’addictologie.
Peut-on sortir définitivement de l’addiction ?
Dans ce domaine, nous préférons parler de rétablissement plutôt que de guérison. Dans le langage courant, la guérison évoque la suppression de la cause et du symptôme.
En addictologie, le but n’est pas toujours de revenir à un état initial mais de retrouver une maîtrise de son comportement. Pour certains, cela veut dire l’abstinence, pour d’autres une consommation organisée autrement qui ne mette pas en danger son équilibre, en d’autres termes, un contrôle en pleine conscience.
Pour y arriver, les femmes doivent être soutenues par un changement de regard sur ce qu’elles vivent.