Musique et santé : Quels sont les bienfaits de la musique sur la santé ?

Créatrice de la chorale ChorusB, Béatrice Estelon Florentin est chef de chœur et psychopraticienne. Elle a la particularité de lier ses deux métiers en mêlant le chant à la thérapie dans les stages proposés à cet effet aux patients.

Musique et santé mentale 

Béatrice Estelon Florentin considère que « la santé mentale se définit, entre autres choses, par la capacité de faire des liens avec soi et avec les autres ».

Un lien entre vous et les autres

Quand vous vous sentez mal mentalement, quelle est l’une des premières choses à en pâtir autour de vous ? Vos relations avec vos proches. En effet, quand on se sent mal on a tendance à se couper de soi, des autres ou à s’énerver et à se montrer désagréable, s’enfermant dans la fausse certitude que personne ne nous comprend. Pour Béatrice Estelon Florentin « la musique a comme effets sur la santé mentale de recréer du lien avec soi-même, en renouant avec les autres, ces autres qui partagent notre vie, notre monde actuel, mais aussi avec notre sentiment d’appartenir à l’humanité toute entière, par-delà les espaces et les époques comme lorsque nous vibrons sur un morceau de musique écrit il y a des siècles ». 

Ainsi lorsque nous traversons une mauvaise passe et que ce lien est cassé ou fragilisé, il est parfois difficile de le reformer. La musique peut nous aider. Nous pouvons produire de la musique, l’offrir, partager une chanson qui nous touche ou qui nous amuse. La musique peut incarner un moyen de faire passer un message quand la parole devient impuissante, que ce soit en l’écoutant ou en la créant. « La musique nous permet de vibrer ensemble. Je connais bien le chœur et c’est vrai qu’il y a des moments où, tout d’un coup, on chante quelque chose qu’on a travaillé et il se passe ce que j’appelle des   ̏moments de grâce˝. Nous avons l’impression que tout le monde est réellement uni. Nous sommes unis dans quelque chose de commun, qui nous dépasse et qui, en concert, peut atteindre également le public qui s’émeut avec nous ». On peut ainsi se rapprocher de personnes dont nous ne nous sentons pas proche, ou avec qui la communication s’est rompue. « La musique peut sublimer les aspects désagréables, agressifs qui nous animent ».

Vous recentrer sur vous 

Mais les liens avec les autres ne sont pas les seuls à être touchés; quand nous allons mal nous avons tendance à avoir des frustrations envers les autres, mais aussi énormément de frustrations envers nous-même. Nous nous focalisons sur le négatif, entretenant nos angoisses et nos insatisfactions. Béatrice Estelon Florentin explique que « la musique permet de toucher, voire d’exprimer, de faire sortir quelque chose qui est à l’intérieur de nous, qu’on en soit conscient ou non ». En effet, elle nous permet de nous recentrer sur nous-même de façon positive. « Nous pouvons être seuls chez nous et tout d’un coup écouter une musique qui nous transporte, qui nous apaise ou qui au contraire nous permet d’extérioriser une rage qui a besoin de sortir ». 

Vous est-il déjà arrivé de vous dire après avoir écouté une musique qui vous a touché « cette musique est faite pour moi ? ». Sur le moment cela peut sembler ridicule, comment une musique créée par quelqu’un que nous ne connaissons pas et diffusée à des milliers de personnes pourrait être pour nous ? « Pourtant quelque part c’est le cas, car la musique c’est vraiment aborder l’essentiel de l’humain, des sujets comme la vie, la mort, l’amour. Chaque humain peut être atteint car ça nous touche dans l’essentiel ».

Par ailleurs, « la santé mentale, c’est aussi la capacité à être dans le réel, de vivre ce qui arrive dans l’ici et maintenant. C’est aussi la capacité de rêver, d’imaginer, de fantasmer, tout en ayant conscience d’être dans l’un ou dans l’autre ». La musique aide à cette distinction dont on a parfois vraiment besoin quand nous allons très mal et que tout a tendance à se mélanger, quand l’expression « voir tout en noir » prend tout son sens. Elle nous ancre dans le concret quand c’est nécessaire ou au contraire peut nous permettre de nous en échapper. 

C’est pourquoi, « nous pouvons travailler sur beaucoup d’aspects avec la musique : sur des frustrations, des deuils, sur des colères enfouies … ».

Musique et santé physique 

Pour être de bonne humeur

Écouter de la musique sécrète la dopamine, une hormone qui régule les émotions, favorise la sensation de bien-être et ainsi contribue à booster votre bonne humeur !

Pour combattre le stress

« La musique calme, apaise les stress et les tensions internes ». Le stress est un phénomène très naturel induit par la production de cortisol. Si vous êtes un grand stressé, peut-être avez-vous déjà réalisé que votre anxiété pouvait s’atténuer en écoutant de la musique. En effet, vous faites baisser votre taux de cortisol, tout en libérant des endorphines qui ont des propriétés à la fois calmantes, analgésiques et euphorisantes. L’écoute de la musique contribue également à diminuer le rythme cardiaque, qui s’élève en situation de stress.

Par ailleurs, elle pourrait aussi faciliter l’endormissement, diminuer le nombre de réveils, améliorer la qualité du sommeil et en augmenter la durée ainsi que l’efficacité.

Pour lutter contre la douleur et la maladie ou l’accompagner

La musique est de plus en plus utilisée dans le cadre médical, notamment dans les hôpitaux : pour accompagner des patients atteints de maladies chroniques, pour soulager la douleur, atténuer l’anxiété due à la maladie. Quelques exemples…

• Assistance dans le traitement de la dépression ;
• Aide dans le traitement de l’épilepsie ;
• Accompagnement du traitement de maladies chroniques et de la douleur : arthrose, troubles musculo-squelettiques, migraines, fibromyalgie, cancers… ;
• Utilisation en cas d’opérations chirurgicales, avant ou après pour apaiser ou récupérer ;
• Accompagnement dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.

 « Nous sommes des animaux sociaux qui avons besoin d’être reliés les uns aux autres. La maladie peut endommager ce lien, voire isoler le patient. La musique peut lui permettre de se sentir à nouveau relié et cela peut l’aider vraiment, il y a des résultats ».

La musique comme thérapie pour guérir et grandir

Trouver sa voix pour trouver sa voie 

 « Un adulte a construit sa vie avec des défenses et dans le travail thérapeutique, on a besoin d’aller petit à petit abaisser ces défenses pour arriver à la blessure initiale. Mais parfois elle est très forte et un certain temps sera nécessaire ». Des expériences désagréables voire traumatisantes mettent longtemps à guérir et il arrive que des choses restent bloquées en nous, sans que nous puissions nous en libérer. Mais, si on ne peut pas mettre des mots sur ce qu’on ressent, la musique, elle, peut devenir une nouvelle manière de le communiquer. « J’ai fait l’expérience de voir des patients que j’avais en thérapie, débloquer quelque chose par le chant. Nous avons chacun notre voix, particulière et reconnaissable. Chanter peut nous intimider, nous bloquer et alors, nous allons utiliser une voix  ̏neutre˝, souvent assez désincarnée, un peu comme une voix de petite fille ou de petit garçon. Notre vraie voix ne sort pas, parce qu’elle parle tellement de nous que les défenses qu’on met au point pour nous protéger nous en empêchent l’accès. Le travail thérapeutique avec le chant peut nous aider à la trouver et en même temps à libérer le blocage, ce qui suscite, quand cela arrive, beaucoup d’émotions ».

 « Un des plus beaux moments que j’ai vécu en stage est venu d’un de mes patients, dont le père avait été particulièrement destructeur et toxique et qui était en fin de thérapie. Au dernier moment, il me demande de chanter quelque chose seul. Il se lève et chante une chanson avec une voix que je ne lui connaissais pas. Il y a eu une émotion absolument incroyable qui nous a tous touchés. Il y avait quelque chose d’infiniment précieux, de tellement intime. Quand ce fut terminé, il m’a regardé. J’avais compris, mais il l’a dit aussi pour le groupe :  ̏J’ai pardonné à mon père, je me suis réconcilié avec lui ˝. C’était bouleversant, extrêmement sincère, c’était juste ».

Une porte d’entrée 

« La musique existe avant la parole. C’est une expression extrêmement archaïque » et si le chant, une pratique « active », peut nous permettre de trouver notre voix, la réception de cette musique peut, elle-aussi, constituer une porte d’entrée à autre chose, une clé pour nous libérer de nos prisons intérieures.  Au quotidien, il est rare que nous ayons envie d’écouter en permanence le même style de musique, ça dépend des moments, de notre humeur, de nos besoins et surtout de nos émotions. Parfois une voix, un rythme, des paroles font qu’une musique prend une dimension particulière. 

 « Il y a longtemps, j’étais chez des amis et ils avaient un tout petit bébé qui n’arrêtait pas de pleurer. À un moment je me mets à fredonner tout bas, juste pour moi, un chant de Mozart et je l’entends se diriger vers moi et le vois me regarder avec une sorte de béatitude. Plus tard dans la journée, lorsqu’il se remet à pleurer, je lui rechante et il s’arrête immédiatement. Cette situation s’est reproduite tout le temps des vacances et c’était extraordinaire car il se passait quelque chose : c’était ce chant-là ».

« Une autre situation qui m’a marquée, c’est quand je donnais des cours de piano. Dans l’une des familles dont je m’occupais il y avait un enfant autiste. Un jour, je joue les notes très aiguës du piano en attendant la personne à qui je donnais le cours, j’entends des bruits de pas effrénés et je vois cet enfant, qui était complètement coupé du monde, me regarder avec une joie immense dans les yeux et vouloir toucher ces notes. J’ai 19 ans, je ne connais rien à la thérapie, mais je me souviens avoir dit à sa mère ̏votre fils réagit à quelque chose, il me semble que ce soit une porte d’entrée. Il y a un pont entre lui et nous par le biais de ce son-là. Il y aurait peut-être quelque chose à faire˝ ».

Quand et comment recourir à la musique comme thérapie ? 

Quels sont les profils ou les difficultés les plus susceptibles d’être aidés par la musique ? 

En dehors des maladies évoquées plus haut, « tout ce qui est dépression » explique Béatrice Estelon Florentin. Parce que quand nous sommes en dépression, nous nous trouvons dans un état de tristesse persistant où plus rien n’a d’intérêt ni de sens. La musique en tant que stimulatrice de lien et catalyseur d’émotions vient soulager et aider. Elle peut aussi accompagner une situation de deuil, pas seulement des musiques tristes ou apaisantes d’ailleurs. Certains pays, comme le Ghana, enterrent leurs défunts avec des cérémonies hautes en couleur, des cercueils originaux et des musiques très joyeuses et dynamiques. « La vision de la mort est très différente et les rituels mortuaires peuvent changer en fonction des pays ».

Quand doit-on s’adresser à un professionnel pour trouver de l’aide ? 

 « Il y a plusieurs cas de figures. Il y a des gens qui sont en grande souffrance. Quand on commence à s’apercevoir que nos liens avec les autres sont toujours difficiles, douloureux ou conflictuels, que nos processus se répètent, nous pouvons prendre conscience, après avoir considéré que ce sont les autres qui en sont responsables, que cela ne vient pas seulement d’eux mais que nous y avons une part active. Cette prise de conscience est souvent à l’origine d’une démarche thérapeutique qui nous amènera à devenir plus autonomes ».

« Bien sûr ce n’est pas pour tout le monde, ça dépend de chacun, de la famille de chacun mais il y a des âges carrefour. Comme quand on va se promener : on suit un chemin et soudain on se retrouve à un carrefour. La trentaine par exemple est souvent un âge où les dernières traces de l’enfance s’estompent ; on va vers un âge adulte et on s’aperçoit qu’il nous manque des choses. La thérapie est en quelque sorte une recherche de nous-même. De même, la soixantaine n’est pas un moment simple, surtout chez les femmes. Dans notre société actuelle nous sommes très souvent mises sur le bas-côté ».

« En fait, quand on a une sensation de blocage, de répétition de choses négatives, de souffrance qui ne se termine pas, il devient nécessaire de se faire aider car on comprend que nous ne pouvons pas nous en sortir tout seul, non pas par faiblesse, mais bien parce qu’accepter que nous ne sommes pas tous puissants est le premier pas vers la bonne santé ».