Aliments ultra-transformés faut-il les éviter ?
Comment ces aliments ont-ils envahi nos assiettes ?
L’industrialisation de l’élevage et de l’agriculture, comme de nombreux autres secteurs, a conduit à la multiplication d’acteurs avant de mettre un produit dans votre assiette là où, auparavant, un seul, ou deux, était nécessaire ! Dans le même temps, pour satisfaire les attentes de consommateurs toujours plus pressés et demandeurs de solutions « toutes prêtes », les firmes alimentaires proposent des denrées qui ont pris le pas sur les plats régionaux et les produits phares de nos patrimoines culinaires. Au bout du compte, les aliments ultra-transformés représentent aujourd’hui presque 3/4 de l’offre en grande distribution…
Aliment transformé et aliment ultra-transformé (AUT) : quelle différence ?
La transformation n’est pas un phénomène récent. Nous transformons depuis toujours les aliments afin de les conserver, les rendre comestibles mais aussi plus digestes. Les céréales sont transformées en farines, les viandes sont séchées ou fumées, le raisin devient du vin... C’est à partir des années 80 que tout change, avec l’apparition de nouveaux procédés de transformation qui modifient radicalement la nature des ingrédients et des aliments. L’ultra-transformation est née, avec, comme conséquence première, une altération en profondeur, voire totale, du potentiel santé de l’ingrédient. Il s’agit de formulations industrielles composées d’additifs et de composants dits « cosmétiques » qui permettent d’imiter, d’exacerber ou de restaurer les propriétés sensorielles des aliments (texture, couleur et goût).
Que se passe t-il durant l’ultra-transformation ?
Plus un aliment subit une transformation, plus il est rapidement assimilé par l’organisme, et plus il est susceptible d’avoir un impact négatif sur la santé à long terme. C’est ce qu’on appelle « l’effet matrice ». Chaque aliment a effectivement une matrice différente. Elle se définit par l’interaction entre les différents nutriments de l’aliment : eau, glucides, lipides, protéines, vitamines, minéraux, fibres….
L’ultra-transformation modifie cette structure originelle et lui fait perdre toute sa complexité en composés protecteurs. D’autre part, on a relevé les effets nocifs d’un grand nombre d’additifs utilisés dans les AUT et pour lesquels, en plus de leur nocivité intrinsèque, spécifique à chacun, il existe un risque lié à « l’effet cocktail », à savoir une dangerosité accrue du fait d’être mélangés.
Des risques sanitaires bien identifiés
Lorsque la part des aliments ultra-transformés est supérieure à 15% des apports journaliers, c’est-à-dire si vous dépassez 2 portions d’AUT par jour, vous vous exposez à des risques sanitaires. Une étude réalisée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), de l'Université Paris 13 et du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), au sein de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren), a démontré que la consommation excessive d’AUT favorise certaines maladies chroniques telles que :
- l’obésité,
- le cancer,
- le diabète de type 2,
- les maladies cardiovasculaires,
- la mortalité précoce,
- la dépression…
Les graisses saturées, le sel en excès et la pauvreté en fibres et en vitamines des AUT en sont la principale cause. Les sucres cachés, qui se trouvent dans de nombreux aliments sucrés ou salés, jouent aussi un rôle clé dans le déclenchement de ces maladies.
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La classification des aliments ultra-transformés
Le concept d’aliment ultra-transformé est né en 2010. Il est le fruit de travaux d’épidémiologistes brésiliens, qui ont conçu la classification NOVA, répertoriant les aliments selon leur degré de transformation. Véritable outil, cette classification est utilisée dans le cadre de plusieurs études au profit de la santé. L’une d’elles a notamment permis d’évaluer la part moyenne de calories totales issues des aliments ultra-transformés dans l’alimentation des Français (NutriNet-Santé).
Depuis peu, directement inspiré de la classification NOVA, l’indice SIGA est un score scientifique qui permet d’aller plus loin en permettant l’évaluation des aliments selon le degré de transformation de leurs ingrédients. Il autorise ainsi l’identification des aliments ultra-transformés à consommer avec parcimonie au regard des dernières études épidémiologiques. Il permet en quelque sorte d’évaluer le risque et de fixer des seuils au plan nutritionnel. De plus en plus d’acteurs consciencieux de l’industrie agro-alimentaire y recourent, parmi ceux qui souhaitent proposer des produits et recettes équilibrés. Grâce à l’application SIGA pour votre smartphone, vous pouvez vous-même l’utiliser !
Quelques éléments de repère
Œufs, viande, poisson, fruits et légumes frais, pâtes, riz, lait…
Fromages artisanaux, conserves de poisson non cuisinés, compote de fruits, pain frais, légumes en conserve ou surgelés non cuisinés, yaourt nature, viande et charcuterie par salaison…
Sodas, boissons énergisantes, produits industriels (cordons bleus, bâtonnets de nuggets, viande reconstituée…), charcuterie avec nitrites, nouilles instantanées, pains et brioches industrielles, barres de céréales et chocolatées, gâteaux et biscuits industriels, boissons lactées aromatisées, desserts sucrées, légumes assaisonnés avec sauces prêts à l’emploi, galettes végétales contenant des additifs, chewing-gums, bonbons industriels, produits minceurs…
Et si nous cuisinions par nous-même un peu plus souvent ?
Même si tous les aliments emballés ne sont pas à fuir, le meilleur moyen de limiter notre consommation d’aliments ultra-transformés, c’est de cuisiner ses petits plats ! En préparant vos plats, que vous prendrez soin de planifier à l’avance par commodité, vous transformerez vous-même les aliments et garderez donc le contrôle sur les ingrédients que vous utilisez.
En plus de redécouvrir le plaisir de se mettre derrière les fourneaux, il s’agit d’adopter de nouveaux réflexes comme, par exemple, acheter la viande et le poisson non préparés au rayon frais ou surgelé, opter pour des féculents secs (pâtes, riz, semoule, etc.) ou acheter des légumineuses sous forme sèche (lentilles, pois cassés, haricots rouges ou blancs, etc.). Préférez aussi les légumes frais, éventuellement surgelés, mais non préparés. Enfin, prenez le temps de lire les étiquettes nutritionnelles. Plus la liste des produits qui composent l’aliment est longue et plus vous devez être attentif !
Parole d'expert
Recréons du lien dans notre alimentation ! ”
En France, l’alimentation ultra-transformée représente 70% de l’offre industrielle. Dans le même temps, cela signifie que cette même industrie produit 30% d’aliments de qualité. Cela démontre bien que l’AUT n’est pas une fatalité, mais plus une question de volonté ! Hélas, en dehors d’entreprises comme Michel & Augustin, Léa Nature, Biocoop et Naturalia, les grandes multinationales de l’agro-alimentaire ne se remettent pas vraiment et suffisamment en cause. Au mieux, elles reformulent leurs aliments pour mettre moins de sel, de sucre ou de gras, mais les marqueurs d’ultra-transformation subsistent comme les additifs cosmétiques et/ou arômes, sucres cachés. Le secteur bio n’est pas épargné, même si les additifs sont moins nombreux, une étude a révélé que 53% de leurs aliments industriels étaient ultra-transformés. SIGA a d’ailleurs permis de démontrer que lorsque l’on dépassait 5 ingrédients dans la liste, il y avait près de 80% de chance que l’aliment soit ultra-transformé.
Face à cette inertie, le salut ne peut venir que des consommateurs eux-mêmes. Il faut les informer et les sensibiliser sur les dangers de cette « malbouffe de qualité » comme le fondateur de ce concept à propos de ces produits superbement emballés et marketés ! L’adoption de la règle des 3V (Séparer les aliments « Vrais » des aliments ultra-transformés, favoriser le « Végétal » et chercher à « Varier » son alimentation) est aussi le moyen qui doit permettre de garantir une alimentation saine pour la santé humaine et durable pour l’environnement. Elle préconise que les produits végétaux devraient représenter 85% minimum de notre apport calorique tandis que les produits d’origine animale ne devraient pas dépasser 15% maximum de notre apport calorique quotidien.
Fardet A. Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai. Les 3 règles d’or pour manger sain, éthique et durable. Vergèze: Thierry Souccar; 2017.
Fardet A, Rock E. Chronic diseases are first associated with the degradation and artificialization of food matrices rather than with food composition: calorie quality matters more than calorie quantity. Eur J Nutr 2022 ;62:2239-53.