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Formation avec PSSM : Premiers secours en santé mentale

13 millions de personnes sont touchées par un trouble psychique en France. Pourtant, contrairement aux gestes de Premiers secours, peu savent qu’il existe une formation particulière pour protéger ces personnes.
Découverte d’un nouveau type de formation : les Premiers secours en santé mentale !

Nous avons rencontré Lydia VILAIN, consultante, psychologue du travail et formatrice en Premiers secours en santé mentale, qui nous en dit plus sur cette formation encore peu connue.

La santé mentale en France

Qu’est-ce que la santé mentale ?

Selon l’OMS, la santé mentale est « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».

Santé publique France précise 3 dimensions à la santé mentale : 

  • La santé mentale positive regroupe le bien-être, l’épanouissement personnel…
  • La détresse psychologique réactionnelle : liée à des difficultés que l’on peut rencontrer au cours de sa vie (deuil, rupture amoureuse, traumatisme…), cette détresse "ponctuelle" peut mener à des épisodes dépressifs. Si elle ne nécessite pas de soins médicaux, elle doit tout de même être prise au sérieux. 
  • Les troubles psychiatriques (ou troubles psychiques, ou troubles mentaux) : qu’ils soient sévères ou non, ces troubles sont associés à un diagnostic et nécessitent une prise en charge médicale (dépression, addictions, troubles du comportement alimentaire, psychoses, trouble bipolaire…).

Chiffres clés de la santé mentale

L’association PSSM France

Les troubles psychiques concernent un grand nombre de Français. Pourtant, la santé mentale n’a pas toujours été au cœur des enjeux de santé publique.

Face à ce constat et pour pallier certaines lacunes, l’association Premiers secours en santé mentale France (PSSM) a été créée en 2018 par l’INFIPP (organisme de Formation continue en santé mentale et psychiatrie), Santé mentale France et l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques).

L’objectif de l’association ? Adapter en France un célèbre programme scientifique australien, le Mental Health First Aid (MHFA), qui consiste à informer tous types de publics sur les problématiques de santé mentale et à former des secouristes pour faciliter la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux.
Basé sur le modèle de la formation aux Premiers secours physiques, le programme MHFA est issu de nombreuses recherches mises en commun et s’appuie sur des sources scientifiques fiables.

Soutenue par le Ministère des Solidarités et de la Santé, les agences régionales de santé et par la caisse nationale de l’Assurance Maladie, PSSM France a lancé le programme en 2019.

En quoi consiste la formation de Premiers secours en santé mentale ?

Lydia VILAIN (en photo) est consultante pour des entreprises, psychologue du travail et formatrice en Premiers secours en santé mentale. Elle élabore des plans d’action dans les entreprises, évalue les risques psychosociaux, analyse les problématiques de santé mentale au travail et accompagne les entreprises.

Les 4 grands enjeux de la formation

  1. Former des personnes en Premiers secours de santé mentale : des particuliers, des membres d’associations, des personnels d’entreprises…
  2. Repérer les troubles psychiques : les secouristes sont formés à détecter les détériorations de la santé mentale en acquérant des compétences de base mais aussi en appréhendant les différents types de crises possibles.
  3. Accompagner les personnes qui ont besoin d’aide vers les professionnels de santé adaptés (pompier, psychologue…) ou transmettre un numéro d’appel et d’écoute pour les situations moins urgentes.
  4. Déstigmatiser les troubles : grâce à des données statistiques et des informations scientifiques, la mission des secouristes permet aussi de déstigmatiser des troubles trop souvent perçus négativement par la société.

Selon Lydia, « dans certains esprits, la santé mentale n’est qu’une question de volonté : les gens n’ont qu’à faire avec et se bouger », un tabou qui met en avant le travail qu’il reste à accomplir en matière de santé mentale !

Les secouristes peuvent intervenir dans 3 types de situations : quelqu’un qui est en train de développer un trouble de la santé mentale ; lorsqu'un trouble est en train de s’aggraver ou quand une personne se trouve en situation de crise (panique, suicidaire…).
Ces troubles peuvent être de diverses natures : dépressifs, anxieux, psychotiques, liés à la consommation de stupéfiant, etc.

Photo Lydia Vilain, consultante

Il faut bien comprendre ce que sont les troubles de santé pour apporter des réponses aux personnes en souffrance. Il faut apporter une valeur scientifique à travers des chiffres, déstigmatiser les troubles, avoir le vocabulaire adéquat pour rassurer… ”

Lydia VILAIN

En quoi la formation est-elle importante ?

« La moitié des troubles mentaux déclarés à l’âge adulte se sont déjà manifestés entre l’âge de 14 et 18 ans » explique Lydia, pour qui la formation est primordiale car à l’adolescence, les jeunes cherchent à s’isoler et changent de comportement. Cette période, profonde de bouleversements, est difficile à gérer pour la famille et ne permet pas toujours de savoir si ces bouleversements sont liés à l’adolescence ou à des troubles mentaux.

Avec la formation, on pourrait détecter plus tôt des personnes en souffrance et « mettre en place un protocole de soin pour aider à stabiliser leur état. » Ce protocole éviterait le risque de rechute, mais il serait aussi bénéfique d’un point de vue économique et social : « les arrêts de travail prolongés coûtent très chers, alors que certaines situations pourraient être évitées si détectées rapidement. »

La moitié des troubles mentaux déclarés à l’âge adulte se sont déjà manifestés entre l’âge de 14 et 18 ans ”

Lydia VILAIN

Quelle application possible au monde du travail ?

Selon PSSM France*, partenaire de la Fondation AÉSIO, la formation devrait être intégrée directement dans les entreprises, car la santé mentale reste un tabou dans cette sphère de la société. Une étude lancée par l’association indique d’ailleurs que 66% des salariés aimeraient en apprendre plus sur les maladies mentales ou psychiques et que 78% se disent ne pas être suffisamment informés pour réagir à une attaque de panique ou une crise suicidaire sur leur lieu de travail.

* PSSM France est l’un des partenaires-phares de la Fondation AÉSIO, qui s’est donnée pour mission d’agir pour le bien-être mental des individus tout au long de la vie.

Pendant les 3 prochaines années, la Fondation AÉSIO accompagnera PSSM France dans le développement d’un Fonds de solidarité qui permettra aux populations ayant peu de ressources (jeunes, retraités, bénévoles, associations…) d’accéder à ses formations, sans se substituer aux financements de la formation s'ils existent.

Découvrez la Fondation AÉSIO

Bon à savoir :

La délégation ministérielle sur la santé mentale et la psychiatrie du ministère des Solidarités et de la Santé a fait figurer les Premiers secours en santé mentale dans la feuille de route des prochaines années.
De leur côté, les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, véritable référence dans le domaine, souhaitent également amplifier le développement de la formation. Des avancées qui permettraient de former plus de secouristes et de sauver des vies.

Quelles évolutions sont prévues pour la formation ?

L’association a prévu 2 nouveaux modules de formation : le module Jeunes, pour les adultes travaillant ou vivant avec des adolescents, et le module Ados pour les adolescents qui seraient formés à aider d’autres adolescents. « On peut avoir des personnes du milieu de l’enseignement qui ont des enfants et des adolescents, donc c’était pertinent de faire une formation plus spécifique. »

Par ailleurs, des démarches ont été lancées pour être éligible au Compte de formation professionnelle afin de toucher un public encore plus large. Le programme de formation sera quant à lui adapté aux évolutions des connaissances scientifiques, aux retours d’expérience des formateurs, etc.

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Interview de Lydia VILAIN, formatrice en Premiers secours de santé mentale

—  Pourquoi avoir fait la formation aux gestes de Premiers secours en santé mentale ?

Quand j’ai découvert cette formation, j’ai vu qu’il s’agissait d’une extension de processus de formations qui existaient à l’étranger depuis des années, avec une assise du gouvernement, et ça m’a sauté aux yeux comme une évidence de me lancer !
J’ai suivi la formation de secouriste au premier semestre 2021 et j’ai ensuite posé mon dossier pour faire la formation de formatrice. Je suis donc accréditée par PSSM, depuis fin 2021.

—  Après être devenue secouriste, qu’est-ce qui vous a décidé à devenir formatrice ?

Pour moi, il y avait une vraie logique de faire cette formation supplémentaire, car former des secouristes est une réponse à certains de mes clients qui font des actions contre les risques psychosociaux en entreprises : parfois, après avoir sensibilisé les managers, les entreprises se retrouvaient un peu bloquées pour savoir ce qu’elles pourraient faire de plus pour aller encore plus loin.
Aujourd’hui, elles peuvent former des secouristes et les accompagner vers une aide plus durable et complète. C’est une étape supplémentaire à la sensibilisation des managers.

—  Y a-t-il eu des freins à mettre en place cette formation chez les entreprises pour lesquelles vous êtes consultante ?

Oui et non : sur le fond, les entreprises adhèrent totalement à l’idée de former leurs employés.
Mais comment on l’amène dans l’entreprise ? Est-ce qu’on est prêt à cette démarche ? N’est-ce pas trop intrusif dans la vie personnelle des gens ? Il faut savoir comment l’amener dans l’entreprise et convaincre des bienfaits de la formation à ceux qui hésitent.

—  Quelle différence voyez-vous depuis cette formation ? Faites-vous plus attention aux autres ? 

J’ai toujours mon profil RH et j’étais déjà attentive aux changements de comportements des salariés, aux bonjours qui évoluent… donc j’ai toujours ce côté bienveillance envers les personnes, mais c’est vrai qu’après cette formation on est encore plus attentionné au quotidien.

—  N’est-ce pas trop lourd à gérer psychologiquement ?

C’est une question que l’on aborde avec les secouristes en formation : être secouriste ce n’est pas une obligation, et la première personne à protéger c’est d’abord soi-même ! Si on ne se sent pas en capacité d’aider quelqu’un, il faut passer le relai à un autre secouriste. C’est important de se protéger, et d'être conscient de ses capacités.

Infos pratiques sur PSSM France

PSSM France a 2 formations principales :

  • Secouriste

Durée : 14 heures, jours qui peuvent être fragmentés
Prix : 250 €/personne
Nombre de participants : entre 8 et 16 volontaires de 18 ans et plus

  • Formateurs

Durée : 35 heures, réparties sur 5 jours (dont 2 jours d’évaluation)
Prix : 1 500 € /personne

Personnes à contacter, en cas de besoin :

- Votre médecin généraliste
- Le Centre médico-psychologique de votre territoire. Ces centres sont des lieux de consultations gratuites pour toutes les personnes en souffrance psychologique.
3114, le numéro national de prévention du suicide. Des professionnels vous répondent 24h/24 et 7j/7.
0800 47 47 88, la ligne d’écoute et de soutien téléphonique Solitud’Écoute de l’association Les Petits Frères des Pauvres, à destination des plus de 50 ans.