Syndrome Karōshi : quand l’excès de travail tue
Un surinvestissement professionnel particulièrement présent au Japon
Karōshi est un terme japonais que nous pouvons traduire par « mort par surmenage ». Il désigne bien plus qu’un surmenage : le corps ou l’esprit, poussé au-delà de ses capacités, finit par céder, et le salarié succombe à un arrêt cardiaque, à un AVC ou à un suicide. Le terme a été introduit par 3 médecins, Hosokawa, Tajiri et Uehata, qui évoquent dans un ouvrage publié en 1982 un lien possible entre la mort subite, le suicide et un temps de travail excessif.
Le Japon offre un terreau particulièrement fertile au Karōshi, où le rapport au travail se distingue nettement de celui que nous connaissons en France. Le fort investissement professionnel s’explique par des valeurs culturelles profondes, comme le giri, qui fait référence au devoir moral, et le ganbaru, qui signifie littéralement « s'accrocher ». Toutes deux valorisent l’abnégation, le sacrifice personnel et la loyauté envers l’entreprise. Le salarié japonais consacre une part importante de sa vie à son entreprise, parfois au détriment de sa santé, de sa vie familiale ou de son bien-être psychologique. Le temps de présence exprime l’engagement et le dévouement, indépendamment de la productivité réelle. Cette norme sociale favorise les heures supplémentaires non rémunérées, les soirées voire les nuits passées au bureau et une grande difficulté à prendre des congés.
En 2023, le ministère japonais de la Santé, du Travail et de la Protection sociale a enregistré 4 810 demandes d’indemnisation pour des pathologies mentales ou physiques liées au surmenage. Parmi elles, 159 cas ont été reconnus, dont 17 suicides liés à un stress professionnel.
Un excès de travail aux conséquences variées sur la santé
Un surinvestissement professionnel peut engendrer un stress chronique néfaste pour la santé. L’organisme s’épuise progressivement, ce qui peut provoquer de nombreux troubles :
Des désordres digestifs, avec des symptômes comme des ballonnements, des gastrites ou des diarrhées
Des maladies cardiovasculaires, telles que l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral (AVC)
Des atteintes cutanées, parmi lesquelles on retrouve l’eczéma, l’urticaire, le psoriasis, les démangeaisons ou encore l’herpès
Des dysfonctionnements de la thyroïde, pouvant conduire à une hyperthyroïdie
Des troubles gynécologiques chez les femmes, se manifestant par des règles douloureuses, des cycles irréguliers, voire des fausses couches ou des accouchements prématurés
Un affaiblissement du système immunitaire, entraînant une plus grande vulnérabilité face aux infections, et dans certains cas, un risque accru de développer certains cancers
Des douleurs musculaires et articulaires, notamment au niveau du dos et des cervicales
Des troubles cognitifs, avec des difficultés de concentration et des pertes de mémoire
Une fatigue persistante, malgré le sommeil ou les périodes de repos
Une altération du bien-être psychologique, marquée par une baisse du moral, un état anxieux ou une dépression
L’excès de travail entraîne bien souvent une dégradation globale de l’hygiène de vie. Les nuits deviennent courtes et irrégulières, l’alimentation se détériore, avec une consommation accrue de plats préparés, souvent trop gras ou trop sucrés. La prise d’alcool et de tabac augmente, parfois accompagnée de l’usage de produits stupéfiants. Par ailleurs, le temps consacré à l’activité physique, à la détente ou au sommeil réparateur se réduit considérablement, multipliant les facteurs de risque et privant l’organisme des ressources nécessaires à son bon fonctionnement.
Karōshi et burn-out : quelles différences ?
Le burn-out, ou épuisement professionnel, désigne un trouble psychique lié à un stress chronique au travail. Il s’accompagne souvent de nombreuses répercussions physiques et émotionnelles. Le phénomène de Karōshi repose sur les mêmes mécanismes de surcharge mentale et physique, mais conduit à une issue beaucoup plus dramatique : une mort subite, par arrêt cardiaque ou accident vasculaire cérébral (AVC), ou encore un suicide.
Les autorités japonaises ont publié en 2023 un livre blanc sur la prévention du Karōshi, qui évoque la ligne rouge à ne dépasser : travailler en moyenne plus de 60 heures présente un danger pour la vie.
Notre podcast sur le burn-out au féminin pourrait vous intéresser
Comment s’investir au travail tout en préservant sa santé mentale ?
De nombreuses personnes aiment leur métier, et s’impliquer dans son travail devient alors une source de satisfaction et d’épanouissement. Attention cependant à ce que l’investissement professionnel ne se fasse pas au détriment de votre santé mentale.
Vous devez apprendre à repérer les signaux d’alerte : fatigue persistante, irritabilité, troubles du sommeil, perte de motivation ou difficultés à se concentrer font partie des premières manifestations à ne pas ignorer ni à minimiser. Être à l’écoute de soi constitue la première étape vers un équilibre durable entre performance et bien-être.
L’organisation du temps de travail joue également un rôle clé, notamment si vous n’avez pas de cadre horaire fixe ou si vous exercez en télétravail. Il est important de poser des limites claires : instaurer un rythme régulier, prévoir des pauses, préserver les week-ends et appliquer le droit à la déconnexion.
Quelques habitudes simples peuvent aussi renforcer votre équilibre psychique au quotidien : bouger régulièrement, dormir suffisamment, adopter une alimentation équilibrée, ou encore vous accorder des moments de détente. Les liens sociaux, au travail comme en dehors, sont également essentiels : vous vous sentez soutenu, compris, entouré, et vous pouvez plus facilement exprimer vos inquiétudes ou vos états d’âme.
Prévaésio
La prévention est essentielle pour préserver votre santé
En savoir plus sur Prévaésio, notre service dédié
Vous ne devez pas hésiter à demander de l’aide si le besoin se fait sentir. Différents interlocuteurs peuvent vous accompagner si vous ressentez un mal-être : votre médecin traitant, en premier lieu, mais aussi un psychologue, ou encore le service de médecine du travail, joignable sans passer par votre hiérarchie. Le simple fait de se confier à un proche peut aussi mener au déclic dont vous avez besoin pour prendre conscience de la situation.
Préserver sa santé mentale est essentiel pour durer dans le monde du travail. Il ne s’agit pas de travailler moins, mais de mieux travailler, dans le respect de ses limites, de ses besoins et de son équilibre personnel.
Sur le même sujet
Vous souhaitez échanger avec un professionnel ?
En savoir plus sur la prise en charge des consultations chez un psychologue









