#Changer de regard

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Comment allier endométriose et travail ?

À l’occasion de la journée mondiale contre l’endométriose, le dernier samedi de mars, nous nous interrogeons sur l’impact au travail de cette maladie pour les femmes qui en sont atteintes. Deux femmes nous livrent leur expérience personnelle.
Une femme souffre d'endométriose au travail

Comprendre l’endométriose 

L’endométriose touche 1 femme sur 10 en France, soit une part importante de la population. Encore méconnue il y a quelques années, l’endométriose fait récemment de plus en plus parler d’elle. D’ailleurs, le gouvernement a lancé le 11 janvier 2022 une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, pour répondre à trois objectifs : 

  • mieux comprendre,
  • mieux faire connaître et,
  • mieux soigner l’endométriose.  

Au programme : innovation et recherche, garantie d’un diagnostic rapide pour accéder aux soins dans les meilleurs délais, communication, formation et information de la société sur cette maladie. De quoi donner de l’espoir à toutes les femmes concernées, qui doivent lutter contre la souffrance autant que contre la méconnaissance et l’incompréhension de leur entourage face à la maladie.  

Si cela vaut dans la sphère privée, c’est également valable dans le cadre du travail. Comment faire comprendre et accepter la maladie dans son quotidien professionnel auprès de son employeur et de ses collègues ?  

Quelques chiffres

60% déclarent une concentration à la baisse 

*Chiffres issus du livre blanc de l'endométriose réalisé par EndoFrance

Vous voulez en savoir plus sur l’endométriose ?

Endométriose : des mots pour mieux comprendre la maladie

En France, 1 femme sur 10 souffre d’endométriose. Pour aborder ce sujet, nous avons rencontré le Dr. Reboul, spécialiste de l'endométriose et Yasmine Candau, présidente d'EndoFrance. Découvrez également le témoignage de Sabrina L. adhérente AÉSIO, qui souffre d’endométriose.
Ensemble, levons les tabous grâce à leur expertise de cette maladie, pour mieux la comprendre et améliorer le quotidien des malades au travail.

#Changer de regard

Le savez-vous ? L’endométriose est le 1er motif de consultation de Deuxième avis médical. 

Vous êtes concernée par cette pathologie ? 19 médecins référents en endométriose pourront vous accompagner vers un parcours diagnostic ou un parcours traitement.

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AÉSIO mutuelle

Deuxième avis médical

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Comment vivez-vous l’endométriose au travail ? 

Plus d’un tiers des femmes estiment que l’endométriose a des conséquences sur leur carrière. Deux membres de l’association EndoFrance ont accepté de partager leur expérience personnelle pour AÉSIO Mutuelle : Marine et Tiffany. Toutes deux ont des parcours très différents, qui illustrent bien que les femmes se heurtent encore parfois à des difficultés et de l’incompréhension, mais qu’heureusement, il est également possible de bénéficier d’un entourage professionnel ouvert et bienveillant. 

Comment décririez-vous votre parcours professionnel avec l’endométriose ? 

Marine : La maladie a un eu impact sur mes choix de carrière. Dès mon orientation professionnelle, j’ai fait sport étude et voulais continuer, mais à 16-17 ans, je faisais des malaises et j’ai dû arrêter, car les sélectionneurs ne voulaient pas prendre de risque. 

Aussi, j’ai fait une licence technique spécialisée dans le sport. J’ai fait mes 3 années d’études tant bien que mal, avec beaucoup d’absences, et ai obtenu mon diplôme.

Portrait de Marine

Après, c’était difficile concrètement dans le travail, avec des horaires compliqués, des douleurs horribles. Les malaises s’accentuaient, je ne pouvais plus faire de sport du tout. J’ai dû me résoudre à faire une validation des acquis de l’expérience (VAE) pour devenir uniquement éducatrice spécialisée, sans la partie sport. 

Malgré tout cela, la médecine du travail vient de prononcer une inaptitude pour ce métier. C’est très dur. Je me renseigne auprès de Pôle Emploi pour une reconversion, mais financièrement, c’est compliqué.   

Tiffany : J’ai été diagnostiquée en 2018, alors que j’avais commencé mon travail en 2016. C’était en plein pic de douleurs. C’était mon premier job après mes études.

Au début, je n’osais pas trop le dire, je posais un congé par-ci, par-là, je serrais les dents. J’ai fini par en parler à mon patron qui a été très à l’écoute, nous avons beaucoup échangé et, après cela, tout s’est bien passé. Je suis toujours dans cette entreprise aujourd’hui.

Portrait de Tiffany

Comment a réagi votre employeur par rapport à votre maladie ?  

Marine : Au début, je ne voulais pas en parler à mes employeurs. Mais comme je faisais des malaises et j’avais des rendez-vous médicaux, j’ai dû leur dire pour qu’ils comprennent et pouvoir m’organiser. Dans un premier temps, ils se sont montrés ouverts. Mais dans une structure, alors que j’avais fait un malaise, mon chef de service m’a convoquée et m’a dit que j’étais trop faible pour exercer mon métier, que je ne pourrai jamais. Ça a été très dur. 

Heureusement que j’avais beaucoup de soutien de la part de mon entourage. Dans mon cas, j’ai observé que, dans le cadre professionnel, les hommes étaient plus réticents. J’ai eu, par ailleurs, une cheffe de service très ouverte, qui entendait très bien ma maladie. Elle m’a aidée lors d’un malaise, en me mettant les pieds en l’air, en appelant mon conjoint, les pompiers... C’est réellement le directeur qui a bloqué la situation.   

Tiffany : Mon chef me voyait m’absenter et a vu que quelque chose n’allait pas. Je travaille dans une petite entreprise et j’ai la chance d’avoir le meilleur patron du monde ! C’est comme une famille, il est très à l’écoute. Je pense qu’il n’est pas possible de trouver autant d’humanité dans une autre entreprise. Je suis la seule femme dans l’entreprise et, pour moi, ça a facilité les choses. Comme les femmes peuvent avoir des douleurs liées aux règles, elles ne comprennent pas toujours l’intensité de celles liées à l’endométriose

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Le point de vue d’Adel, employeur de Tiffany 

Comme beaucoup d’hommes, je ne savais rien sur cette maladie. Quand Tiffany est arrivée dans l’entreprise, elle avait des maux, je lui disais de s’isoler ou de rentrer chez elle. J’aurais fait pareil si ça avait été un homme. Une fois que Tiffany m’a informé qu’elle souffrait d’endométriose, je lui ai proposé de travailler de chez elle. Je l’ai emmenée parfois à l’hôpital, car elle n’était pas véhiculée, elle se déplaçait en bus ou à vélo. 

Pour moi, il n’y a rien d’honteux et c’est important de venir en aide. Par ailleurs, Tiffany a toujours été efficace dans son travail. Avec les autres collaborateurs, il n’y a pas eu de problème. Nous sommes une bonne équipe, soudée comme une petite famille. Nous travaillons dans la confiance et la bienveillance.

➡️ Votre conseil pour les chefs d’entreprise ?  

On a les collaborateurs qu’on mérite. Comportez-vous comme vous voudriez qu’on se comporte avec vous ! Je trouve important d’accompagner les salariés pour qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Venir au travail avec une boule au ventre, ça ne sert à rien. Se sentir bien, c’est aussi être plus productif et ce sont les collaborateurs qui font les résultats de l’entreprise. 

C’est important d’évangéliser les patrons, les managers, de parler de la maladie et indiquer comment aider les femmes qui en souffrent. C’est bien aussi de communiquer, lorsqu’on sait qu’il y a un problème, c’est ensuite plus facile d’y faire face. En fait, il faut à la fois éduquer les filles, les parents, les chefs d’entreprise...  pour qu’ensemble on puisse aborder ce problème sans tabou et en toute connaissance.   

Concrètement, comment décrivez-vous les douleurs auxquelles vous devez -faire face au quotidien ?  

Marine : J’ai une douleur constante et, au moins une fois par semaine, des grosses crises à ne pas pouvoir me lever, avec prise de morphine. Une crise peut durer une à dix heures, parfois toute la nuit. Parfois, ça ne passe pas, impossible de se lever le matin, alors impossible d’aller au travail. Tous les 2 mois environ, j’avais au moins une semaine d’arrêt

Tiffany : J’ai des grosses douleurs au moment des règles et de l’ovulation. Avant, j’avais des grosses crises le matin, je pouvais être pliée en deux pendant deux heures dans mon lit, le temps que les anti-douleurs agissent. Depuis la grosse opération que j’ai eue en 2018, mes douleurs se sont calmées.   

Quelles solutions ont été mises en place pour soulager votre quotidien, privé et professionnel ?  

Marine : D’un point de vue personnel, je vois chaque semaine un kiné et pratique du sport adapté. Je suis également suivi par un ergothérapeute, qui me donne des conseils pour améliorer mon quotidien, aménager mon domicile (douche, panier à linge...). 

Comme les crises peuvent être déclenchées par le stress, la colère, le relâchement en fin de journée, le froid... je fais également de la sophrologie, de la respiration abdominale, j’écoute de la musique zen. J’ai tout un rituel que j’essaie d’appliquer tous les soirs car ça m’aide.

En parallèle, il existe également des traitements médicamenteux : une pilule en continu pour stopper les règles, des anti-douleurs, des opiacés. Ce sont des produits forts, j’évite d’en prendre tant que possible. Ce qui fonctionne bien, c’est un appareil de Neurostimulation Électrique Transcutanée (Transcutaneous Electrical Nerve-Stimulation), le TENS. Il s’agit d’une technique d’analgésie non médicamenteuse qui crée des impulsions entrant en compétition avec les messages de la douleur et stimule les endorphines, hormone naturelle qui diminue la sensation de douleur. C’est un petit appareil qui se transporte, aussi ça m’aidait au travail. Sinon, mon médecin a effectué une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) il y a 3 mois. Le traitement du dossier prend en moyenne 4 à 6 mois, ça me donne un espoir. 

Tiffany : Dans l’entreprise, nous avons une salle de pause avec un canapé, et même un fauteuil de massage ! Pour travailler, je peux utiliser un ballon de yoga qui soulage bien le dos, et ma bouillotte.  Ça m’est arrivé d’aller à un salon avec un TENS ! Quand j’ai des douleurs importantes, je peux faire du télétravail. Il y a également plein de choses à mettre en place personnellement, comme les médecines douces  : ostéopathie, naturopathie... Il faut tester ce qui convient à chacune, piocher dans la « boîte à outils » dont nous disposons. La pratique du yoga peut également soulager, de même qu’une alimentation adaptée, à discuter avec votre médecin traitant.   

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes et, plus largement, à toutes les femmes qui sont touchées par l’endométriose ?

Marine : Ne vous laissez jamais dicter ce que vous devez faire ! Déjà, pour déceler l’endométriose, si vous avez des douleurs, même si votre médecin vous dit que ça n’est rien, persévérez, voyez un autre médecin, ne vous découragez pas. Vous finirez par tomber sur une personne qui vous écoutera. 

Professionnellement, parlez-en à votre employeur, car ça n’est pas une tare et ça n’est pas contagieux. Vous pourrez tomber sur un employeur qui comprendra la situation et pourra aménager le poste. Il faut assumer qui on est et montrer l’impact que la maladie peut avoir vraiment

Tiffany : Depuis le Covid, je constate une évolution dans les comportements. Les femmes se sont posées et se sont dites que ce qu’elles vivaient n’était pas forcément normal. Elles ont appris à s’écouter et à persévérer pour comprendre d’où venaient leurs douleurs. Les entreprises ont également commencé à prendre conscience de ce qu’était l’endométriose. 

D’ailleurs, en tant que bénévole chez EndoFrance, j’observe que nous sommes de plus en plus sollicitées pour sensibiliser les employeurs. Je conseillerais aux femmes concernées par l’endométriose de faire dans un premier temps appel à la médecine du travail. Le médecin peut être conseil vis-à-vis de l’employeur, même s’il est tenu au secret médical. Ensuite, je recommanderais d’en parler à son entreprise et d’essayer de trouver des solutions ensemble.

Chaque endométriose est différente, n’hésitez pas à explorer différentes approches pour trouver celles qui vous conviendront. 
 

Un grand merci à Marine, Tiffany et Adel pour leurs témoignages éclairants !  

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Que pouvez-vous faire ? 

  • Rencontrer le médecin du travail Celui-ci peut informer l’employeur et mettre en place des mesures :
    • Aménagement du poste de travail
    • Aménagement ou flexibilité des horaires de travail
    • Changement de poste si trop physique
    • Accès au télétravail 1 à 2 jours par semaine
  • Demander une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
  • Demander un mi-temps thérapeutique 
  • En dernier recours, penser à une reconversion professionnelle
     

Découvrez les planches de BD sur l'endométriose au travail

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BD : la vision du manager 1.4 Mo - PDF

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